Je considère que le suicide est un droit, et surtout une possibilité qui devrait être offerte à toute personne qui n’estime pas avoir tellement de raison de continuer sa vie, sous réserve qu’on lui propose une solution qui soit de préférence euphorique, sans douleur, sans angoisse et sans problème.
Il faut savoir qu’aujourd’hui si je publie un livre ou si je donne des conseils et des moyens de suicide à quelqu’un, je suis passible de poursuite criminelle, et cette poursuite criminelle fait qu’en matière de suicide il est interdit sous toutes les formes d’informer de quelque manière que ce soit,, un public sur la façon d’y parvenir. Si vous décidez que la vie ne nous intéresse plus et que vous y mettiez fin sans douleur, sans angoisse et sans risque de changer de monde, est-ce que vous savez comment faire ? Réponse : non, vous ne savez pas. Et l’information vous ne la trouverez nulle part, parce qu’il est interdit de la communiquer.
Quel est le prétexte radical pour éviter cela ? Que des escrocs mal intentionnés peuvent pour des motifs crapuleux déguiser des meurtres en suicide ou pousser des gens au suicide. On pourrait certainement éviter cela en prenant un certain nombre de précautions, un suicide assisté. Il y a des pays qui prennent des surcroits de précautions, mais les conditions sont tellement draconiennes qu’elles ne peuvent concerner que la petite portion de gens fortunés qui ont des problèmes pathologiques de douleurs en fin de vie, rendant leur vie insupportable. Seulement, il est inutile de développer la phrase suivante : la dépendance à elle seule peut-être insupportable à beaucoup de gens. Beaucoup de gens, entre la dépendance et la fin de vie, choisiront la fin de vie, si la choisir n’est pas démotivant par la douleur, l’angoisse et les problèmes que ça pose.
Le problème du suicide n’est pas, comme on le fait actuellement, d’écrire des centaines de pages pour tenter légalement quelque chose. En matière de fin de vie, pour tenter de se disculper et de prétendre apporter une réponse compatible avec l’interdiction de l’assistance et l’interdiction de l’information, on a inventé un procédé qu’on appelle la sédation profonde. Et là, se pose une question : quelle différence il y a entre la sédation profonde - c’est-à-dire, endormir les gens et attendre qu’ils quittent la vie en étant endormis totalement et donc inconscients - ou en les assistants dans leur suicide, puisque de toute façon le résultat final c’est la fin de vie dans l’inconscience.
Le décès, c’est fondamentalement et avant tout une perte définitive de la conscience et la sédation profonde c’est la même chose. Donc on a décidé qu’on interdirait le suicide assisté, mais qu’on recommande, moyennant des conditions inaccessibles, une sédation profonde qui est à la fois un simulacre et une parodie de la mort, mais qui est strictement l’équivalent, en outre, en sédation profonde. Si on n’impose pas une nourriture par incubation, la sédation profonde se termine de toute façon par un décès. Simplement au lieu d’être un décès rapide, sans angoisse, sans douleur et sans problème, c’est un décès de longue durée. La sédation profonde, c’est la mort, mais c’est la mort lente. On remplace le décès par un simulacre équivalent au décès, mais qui est une parodie de la vie et qui finalement conduit de toute façon à en nier l’essence profonde - qui est la conscience - et l’objectif radical incontestable pour une vie, qui est tout simplement sa qualité.