L’histoire de Christelle Dabos débute en 1980, près de Nice, lorsque deux musiciens de talent - une harpiste et un clarinettiste - donnent naissance à celle qui incarnera la future « J.K. Rowling française ». Ce dont on peut être sûr, c’est que l’autrice a bel et bien hérité du talent de ses parents ! À 33 ans, elle décroche avec brio, grâce au premier tome de la Passe-Miroir, le prix Roman Jeunesse Gallimard.

Cette saga raconte l’histoire d’Ophélie, une jeune fille qui n’est pas ordinaire, même pour les habitants d’Anima, son arche. Derrière l’image timide qu’elle renvoie se cache une personnalité forte… et des talents insoupçonnés : Ophélie ne se contente pas d’admirer les miroirs, elle les traverse ! Mais c’est sans compter Thorn, un inconnu venu d’une arche lointaine, auquel elle se retrouve mariée de force. Quelle est la véritable raison de ces fiançailles ? Et pourquoi Ophélie est-elle contrainte de dissimuler son identité ? Éternellement accompagnée de sa fidèle écharpe et de ses gants de liseuse, l’héroïne devra faire face à de terribles épreuves, dans un monde qu’elle ne connaît pas. Une intrigue pleine de rebondissements, des personnages hauts en couleur, un style hors du commun : voilà la liste non exhaustive de ce que vous réserve Christelle Dabos.

Pendant l’été 2020, j’ai eu la grande chance de poser cinq questions à l’écrivaine. Retour sur cet échange.

Comment est-ce que l'histoire que vous racontez vous est-elle venue à l'esprit ? S'agit-il d'une soudaine illumination dans une gare, comme J.K. Rowling ? Ou de la lecture d'un fait divers dans un journal quelconque, comme Dumas ?

Avant l'histoire, la Passe-miroir a été un personnage. Plus précisément un visage. À cette époque-là, j’avais débuté un autre roman qui me faisait des difficultés. J’avais l’envie d’écrire, mais je n’arrivais plus à rien, c’était très frustrant. Je suis donc allée me promener dans le tout petit bois de mon village, en Belgique. Là-bas, au milieu des grands arbres, je me suis apaisée. Je ne sais pas si c’est cette soudaine détente du corps ou de l’esprit, mais c’est à cet instant que le visage m’est intérieurement apparu. Je l’ai vu sortir du miroir et j’ai aussitôt su que c’était ça que je devais écrire.

Si vous aviez l'opportunité de toucher un mot à un des personnages de vos romans, à qui vous adresseriez-vous, et que diriez-vous ?

Quand j’écris, je suis déjà dans un dialogue permanent avec mes personnages. Enfin, presque : j’ai puissamment conscience d’eux, mais eux n’ont pas conscience de moi. Je leur ai beaucoup parlé déjà, par écrit, parfois même à voix haute. Aujourd’hui, j’ai terminé la Passe-miroir, mais si je devais avoir un dernier mot, allez, ce serait pour Ophélie, en la secouant par les épaules : “Tu vas me répondre, oui ?”

Diriez-vous qu'Ophélie est votre réplique personnelle ? Si vous étiez vous-même la protagoniste de l'histoire, auriez-vous fait les mêmes choix qu'elle ?

Je dis souvent d’Ophélie qu’elle est mon reflet inversé. C’était particulièrement vrai à l’époque où elle m’est apparue. Elle toute menue au dehors, toute solide au dedans. Et moi, bien bâtie au dehors, toute fragile au dedans. Je n’aurais pas tenu dix minutes au Pôle. Parce que je suis beaucoup trop frileuse, déjà. Ensuite parce qu’à l’instant où on m’aurait dit “Vous ne passerez pas l’hiver”, je me serais roulée en position foetale dans le premier canapé venu et j’aurais attendu bien sagement la fin du monde.

S'il y avait une leçon à retenir de vos livres, que voudriez-vous que ce soit ?

Il n’y a pas vraiment de morale à l’histoire, je n’ai de leçon à donner à personne. Ce que j’ai profondément aimé explorer, à travers la Passe-miroir, c’est le jeu des apparences. Des personnages à tiroirs, qui se dévoilent strates après strates. Des illusions à chaque recoin, des faux-semblants en veux-tu en voilà. La collision entre plusieurs vérités. Le questionnement sur l’identité, sur ce qu’il reste de nous une fois qu’on a retiré toutes les étiquettes, jusqu’à notre nom. Oui, c’est ce grand voyage intérieur qui m’a passionnée.

Pourriez-vous donner à nos lecteurs et lectrices trois raisons de lire votre saga ?

Ah, ah, les seules raisons de lire que j’ai toujours données : lisez si vous voulez, ce que vous voulez, quand vous voulez et comme vous le voulez !