Cet été au Jeu de Paume – Château de Tours, l’exposition rétrospective « L'équilibriste, André Kertész : 1912-1982 » est consacrée au grand photographe hongrois naturalisé américain (1894-1985). Son œuvre fut à l’unisson de sa vie et de ses sentiments : de ses débuts en Hongrie à l’épanouissement de son talent en France, de ses années d’isolement à New York à sa reconnaissance internationale.
Acteur majeur de la scène artistique parisienne durant l’entre-deux-guerres, André Kertész, dont la carrière s’étend sur plus de soixante-dix ans, est aujourd’hui reconnu comme l’un des photographes les plus marquants du XXe siècle. Son œuvre foisonnante, aux compositions marquées par les avant-gardes européennes – notamment d’Europe de l’Est –, trouve sa source dans sa culture hongroise mêlant poésie et intimité.
Ses débuts dans son pays natal sont une étape importante pour cet autodidacte dont l’approche réaliste se distingue de la photographie d’art aux influences picturales chère aux photographes hongrois de sa génération. Enrôlé dans l’armée austro-hongroise pendant la Première Guerre mondiale, il dépeint le quotidien des soldats et développe une poésie de l’instant, loin des faits d’armes héroïques ou dramatiques. Après la guerre, il cherche à faire de la photographie son métier.
En octobre 1925, il débarque à Paris où il fréquente les milieux littéraires et artistiques d’avant-garde et photographie ses amis de la diaspora hongroise, les scènes de rue et les jardins parisiens. En France comme en Allemagne, la presse, notamment le magazine VU, lui commande reportages et illustrations. Dès 1927, il bénéficie d’une exposition personnelle à la galerie Au Sacre du Printemps. En 1933, il réalise sa célèbre série des Distorsions qui montre des corps nus se reflétant dans un miroir déformant. Cette activité intense l’amène à concevoir ses propres livres ; au cours de sa vie, il en publiera dix-neuf dont Paris vu par André Kertész (1934).
En 1936, Kertész part pour New York afin d’honorer un contrat avec l’agence Keystone. Il peine toutefois à trouver sa place face à des commanditaires aux demandes très éloignées de ses années parisiennes. Quelques expositions ainsi que la publication de Day of Paris (1945) ne suffisent pas à l’imposer comme l’un des principaux représentants de la photographie d’avant-garde aux États-Unis. À partir de 1963, les plus grands musées lui offrent l’occasion d’exposer ses images. Cette reconnaissance s’accompagne de l’édition de nombreux livres qui lui permettent de revenir sur son œuvre.
Réalisée à partir du fonds de négatifs et de tirages-contacts légués par le photographe à la France en 1984, « L’équilibriste, André Kertész » est le fruit du travail conjoint de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, qui conserve ces archives aujourd’hui, et du Jeu de Paume. Constituée d’une centaine de tirages modernes argentiques effectués en 1995 par Yvon Le Marlec, tireur avec lequel Kertész collaborait à Paris, cette exposition s’articule autour des livres majeurs que ce dernier a publiés de son vivant. À travers tirages, maquettes originales et reproductions de pages de ses ouvrages, elle retrace la relation étroite que Kertész a tissée tout au long de sa vie entre ses pratiques photographique et éditoriale, composant une narration visuelle qui décrit l’entre-deux-guerres en Europe et près de cinquante années passées aux États-Unis.