Nous habitons un monde de plus en plus saturé d’images.
Leur nombre connaît une croissance tellement exponentielle – aujourd’hui plus de trois milliards d’images partagées chaque jour sur les réseaux sociaux – que l’espace de la visibilité semble être littéralement submergé. Comme s’il ne pouvait plus contenir les images qui le constituent. Comme s’il n’y avait plus de place, plus d’interstices entre elles. On s’approcherait ainsi de la limite que Walter Benjamin, il y a un siècle déjà, imaginait sous la forme d’« un espace à cent pour cent tenu par l’image ».
Face à une telle surproduction d’images, se pose plus que jamais la question de leur stockage, de leur gestion, de leur transport (fût-il électronique) et des routes qu’elles suivent, de leur poids, de la fluidité ou de la viscosité de leurs échanges, de leurs valeurs fluctuantes – bref, la question de leur économie. Dans l’ouvrage dont est issue cette exposition, la dimension économique de la vie des images prend le nom d’iconomie .
Les œuvres choisies pour « Le supermarché des images » posent un regard incisif et vigilant sur de tels enjeux. D’une part, elles réfléchissent les bouleversements qui affectent aujourd’hui l’économie en général, qu’il s’agisse de stocks aux dimensions inouïes, de matières premières raréfiées, du travail et de ses mutations vers des formes immatérielles ou encore de la valeur et de ses nouvelles expressions, notamment sous forme de cryptomonnaies. Mais, d’autre part, ces œuvres interrogent aussi le devenir de la visibilité à l’ère de l’iconomie globalisée : entraînée dans des circulations incessantes, l’image – toute image – nous apparaît de plus en plus comme un arrêt sur image, c’est-à-dire comme une cristallisation momentanée, comme l’équilibre provisoirement stabilisé des vitesses qui la constituent.
Dans le supermarché qui s’expose ici, en somme, les images de l’économie parlent chaque fois de l’économie de l’image. Et vice versa, comme si elles formaient un recto-verso.