Une esquisse, quelques traits sont à l’origine de la plus récente exposition individuelle de Claude Tousignant, esquisse « découverte par hasard » par l’artiste alors qu’il cherchait un moyen de coincer deux triangles isocèles à l’intérieur des limites d’un panneau de contreplaqué rectangulaire. La parenté formelle de ce casse-tête de pures formes géométriques avec des œuvres de sa production de la fin des années 1950 l’interpelle et le pousse à reprendre le motif et à l’investir de sa charge colorée. En 2012, déjà, l’historienne de l’art Paule Mackrous résumait bien ce phénomène de « mouvement cyclique » dans l’œuvre de Tousignant, alors que des « pistes explorées par le passé ressurgissent tout à coup dans les explorations récentes1 », à la manière d’un spectre. Tousignant parle de l’esquisse exécutée récemment comme d’un trésor d’un autre temps déniché dans une brocante, découvert « par hasard », comme hors de lui – Un nouvel assemblage de formes à l’intérieur duquel explorer les effets de la couleur; la bonne affaire.
Il n’est pas surprenant que Tousignant poursuive sa quête avec la promesse d’une expérience provoquée, matérialisée sous la forme de couples de tableaux carrés, aux aplats de couleurs vives à l’acrylique. Une question en est à l’origine : comment, en reprenant la même structure, peut-on arriver à changer un tableau par un simple réaménagement des couleurs? Une connaissance – néophyte des musées et galeries – me confiait récemment ne jamais avoir réalisé qu’une couleur pouvait être perçue différemment si elle était juxtaposée à une autre. Il est vrai que pour comprendre la loi du contraste simultané, encore faut-il en avoir fait l’expérience et avoir opéré le rapprochement. Bien entendu, les occurrences d’un tel phénomène foisonnent parmi les éléments de la vie quotidienne, l’art n’est pas seul capable d’opérer cette prise de conscience. Mais Tousignant explore la question de la façon la plus directe qui soit. Tantôt carré rouge sur fond bleu, puis carré bleu sur fond rouge; le tableau est transformé. Puis il réitère : violet-rouge-cyan, cyan-rouge-violet. Par ce jeu de translation, les nouvelles interactions entre les couleurs leur font prendre d’autres teintes, à l’intérieur du canevas géométrique pourtant inchangé. Et c’est bien la force de Tousignant, qui porte encore et toujours toute son attention sur l’expérience à provoquer.
En somme, les travaux récents de Claude Tousignant témoignent d’une maîtrise complète et longuement mûrie du lien entre l’œil et l’œuvre, la mission accomplie d’un artiste pour qui l’abstraction picturale s’est avérée le moyen le plus efficace de donner à voir.