Almine Rech est heureuse de présenter 'Neverland', la première exposition solo du peintre Sam McKinniss avec la galerie.
Il était une fois la mort de la peinture. Elle ne fut pas tragique mais s’étiola lentement - s’enlisant et vacillant dans la nuit sombre, enveloppée d’une atmosphère fantastique. Bien que toute l’histoire soit terriblement compliquée, elle se résume à la légende d’une jeune fille dont la force vitale fut éclipsée par un monstre ultramoderne : la photographie. Oh ! Ces arts scopophiliques - la peinture et sa bru maléfique, la photographie. Faites de la même étoffe, ou du moins nous le pensions, ces initiatives ont été développées pour assouvir le désir humain de capturer et d’immortaliser des images, raconter des histoires, pour représenter, fantasmer ou enjoliver la réalité.
Comme le veut la légende, la peinture et la photographie ont profité d’une alliance précoce, mutuellement profitable avant que les hiérarchies, qui déterminaient leur dynamique et leurs rapports de force, soient profondément modifiées. Par conséquent, au dernier quart du vingtième siècle, la peinture fut rétrogradée au profit du prodige impitoyable et moderne qu’était l’appareil photo. Malgré son alchimie ancienne, la peinture ne semblait pas être à la hauteur de la reproduction photomécanique. Toutefois, à l’instar de tous les contes de fées ou des séries télévisées, personne ne meurt jamais vraiment. Renouveau, renaissance, réadaptation…tout ceci fait partie intégrante du genre.
Faisons un bond jusque dans les années 1990. La peinture renaît soudainement de ses cendres, son âme éternelle rappelée par un groupe d’artistes qui eurent l’audace de réaliser à nouveau des huiles sur toile. Abandonnant leurs appareils photo, ces fétichistes anachroniques réalisèrent plutôt des peintures à partir de photographies. Toutefois, si “Painting is painting’s favorite food,” (NdT : la peinture préfère se nourrir de peinture) comme l’a dit un jour le sage Asger Jorn, personne n’avait de peinture pour se nourrir. Plutôt que de mourir de faim, ces artistes pillairent les jarres à biscuits des medias de masse : People, The New York Post, SPIN magazine, et divers autres tabloïds. Elizabeth Peyton s’est démarquée de tous ces nouveaux héros, telle une sorcière capable de faire apparaître comme par magie les charmes mystiques et le pedigree historique de la peinture, en lui insufflant une nouvelle vie, peignant l’univers de célébrités populaires. Elle a inventé un panthéon fantasmagorique de la vie moderne et personnelle, représenté dans des couleurs glamour rappelant les pierres précieuses sur de petites toiles signées de sa main. La peinture « authentique » a été réhabilitée et une fois de plus, chacun l’adorait sur l’autel de l’icône et ce, sans aucun scrupules.
C’est alors qu’Internet fît son apparition. Figure du vingt et unième siècle, Sam McKinniss a été épargné par tous les drames des siècles passés. Libéré de ces chamailleries historiques sur la primauté ou le manque de légitimité de la peinture, il s’est hissé au rang d’artiste entretenant des relations sans entraves à l’égard de ce média et du culte des célébrités, le tout rendu possible par cet autre monstre nommé “Google.” Si l’art du portrait a toujours concerné le POUVOIR, McKinniss est le premier artiste depuis Peyton capable de fusionner de manière convaincante "la singularité, la grande valeur et la longévité de l’image peinte”[1] avec la célébrité éphémère de ses sujets, en créant un conte de fée sous forme d’huile sur toile, caractéristique de notre époque actuelle.
Pour ceux qui n’y voient pas de changement générationnel important - car, comme dans tout récit mythifié, il doit y avoir une rivalité mortelle—McKinniss tue son prédécesseur par une étreinte peu romantique des techniques familières à Peyton, dépassées malgré l’amour, la sentimentalité, l’héroïsme qu’elle peut y montrer. S’inspirant de l’esprit de l’Allemagne de Weimar, McKinniss s’est révélé être un Réaliste néo-Magique, associant “ le réel et l’étrange,”[2] en transfigurant la réalité de l’ère Internet—son firmament étoilé peuplé de célébrités comme Michael Jackson, Madonna ou Jennifer Lopez portant la robe ayant déclenché un million de recherches sur Google Image—pour en faire sa propre représentation de notre « Neverland » contemporain.