Le MAMCO présente sur l'entier du premier étage une rétrospective de Mai-Thu Perret, artiste suisse d’origine franco-vietnamienne et vivant à Genève. Alors que des institutions telles que le SFMOMA à San Francisco, la Renaissance Society de Chicago, la Chisenhale Gallery de Londres, mais également le Nasher Sculpture Center de Dallas, le Kunsthaus d’Araau, le Bonnefantenmuseum de Maastricht et la Haus Konstruktiv de Zurich, ont réalisé, ces dernières années, d’importantes expositions de Mai-Thu Perret, le MAMCO ne lui avait encore consacré qu’une modeste présentation, à l’occasion de sa nomination au Prix Manor Genève, en 2011. Pourtant, l’artiste a su développer une pratique singulière, qui traverse les disciplines (de la sculpture au film, en passant par la céramique et la performance), multiplie les référents (des mouvements avant-gardistes du XXe siècle aux philosophies orientales) et fusionne les méthodologies (faisant usage de ses études littéraires aussi bien que de ses expériences curatoriales).
A la fin des années 1990, elle élabore, sous le titre de The Crystal Frontier, la fiction d’une communauté de femmes portant le nom de New Ponderosa Year Zero et inspirée de Llano del Rio, un projet communautaire et socialiste des années 1910 dans le Désert de Mojave. L’histoire de cette communauté fictive est aussi le premier protocole de travail de l’artiste pour la production d’objets. Formellement, les œuvres renvoient au constructivisme et au Bauhaus, des mouvements qui ont mis l’art au service de la construction d’une société nouvelle, ainsi qu’à des formes artisanales et décoratives souvent marginalisées par l’histoire de l’art. « Je pense vraiment, déclare Mai-Thu Perret, que l’histoire de l’art occidental est dominée par les hommes et je m’intéresse aux histoires qui prennent en compte des figures ou réalités marginalisées/oubliées. J’aime utiliser mon travail comme un espace spéculatif où je peux imaginer différentes histoires à venir ou qui restent à raconter. »
Ajoutant, année après année, de nouveaux corpus à son travail (mannequins, céramiques, textiles, sculptures en rotin, néons, etc.), comme autant de chapitres d’une fiction concrète, existentielle, Mai-Thu Perret fait bien plus que d’excaver des éléments du modernisme : elle les réinscrit dans notre présent, leur conférant le rôle d’embrayeurs narratifs à disposition des spectateurs.