Koen Wessing a témoigné dans son travail de l’histoire de l’après-guerre : la décolonisation, la violence et la barbarie en Amérique latine, la désintégration du bloc soviétique, la guerre en Yougoslavie, l’apartheid en Afrique du Sud ou encore la résurgence de la Chine. Dans l'exposition « Koen Wessing. L'Image indélébile », le Jeu de Paume – Château de Tours présente un ensemble de 80 tirages, ainsi que des projections et un entretien filmé avec le cinéaste et directeur de la photographie néerlandais Kees Hin.
Koen Wessing naît à Amsterdam, en 1942, sous l’occupation allemande. Son père, Han Wessing, est architecte d’intérieur ; sa mère, Eva Eisenloeffel, sculptrice. Il meurt en 2011, à la veille d’un voyage au Chili. Très malade, il souhaitait se rendre au vernissage d’« Imágenes Indelebles / Indelible Images », exposition présentant pour la première fois à Santiago du Chili ses célèbres photographies du coup d’État militaire de 1973 et du renversement du gouvernement de Salvador Allende.
Koen Wessing a grandi après guerre dans un milieu d’intellectuels néerlandais. Nombreux sont les gens de sa génération à avoir été fortement sensibilisés à la violence, à la misère et au génocide qui avaient pris fin immédiatement avant ou après leur naissance, et à avoir été éduqués dans la pensée de la reconstruction, de la résilience, de l’optimisme et du progrès social qui caractérisèrent les années de leur adolescence. Plusieurs grands photographes avaient contribué à la production de faux papiers au bénéfice des juifs cachés, ou réalisé des photographies déchirantes du dernier hiver de la Seconde Guerre mondiale, l’« hiver de la faim », famine au cours de laquelle moururent des milliers de Néerlandais. Tel était l’essentiel de la photographie documentaire publiée à l’époque dans la presse, parallèlement à la photographie qui travaillait à la gloire de la reconstruction des Pays-Bas. Ces deux genres s’enracinaient profondément dans la nouvelle photographie qui avait émergé dans l’entre-deux guerres.
Une génération plus jeune de photographes néerlandais, Ed van der Elsken, son épouse hongroise Ata Kandó, Johan van der Keuken et bien d’autres, entreprennent à cette époque de voyager et de travailler à l’étranger, tandis que Wessing apprend son métier de photographe en autodidacte, assistant durant deux ans Ed van der Elsken dans son travail.
Globe-trotter né, Koen Wessing commence par sillonner l’Europe en auto-stop ; plus tard, il finance fréquemment ses voyages en empruntant de l’argent, se rendant là où il se sent appelé à aller. En mai 1968, c’est à Paris. En 1969, il prend des photographies dans Het Maagdenhuis, le centre administratif occupé de l’Université d’Amsterdam, et construit une passerelle provisoire surplombant une ruelle entre le bâtiment universitaire et un immeuble voisin pour contourner le blocus organisé par la police et faire passer ses rouleaux de pellicule. Cette anecdote deviendra légendaire.
Comme ces mots célèbres qu’on n’oublie plus une fois qu’on les a lus, certaines des images de Wessing restent gravées dans la mémoire dès lors qu’on les a vues, ne paraissant pas porter sur un instant particulier du passé, mais sur quelque chose de plus universel. Ses photos nous montrent les « damnés de la terre », sans toutefois les déshumaniser, sans leur assigner un rôle de victime : ils demeurent nos semblables. Souvent, Koen Wessing part à la recherche de ceux qui pleurent les morts qu’il a croisés, ou de ceux qui tentent de retrouver leurs « disparus ».
Koen Wessing est l’auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels Chili, September 1973 ; Nicaragua 78 ; Flashes from South Africa ; From Chile to Guatemala: Ten Years in Latin America ; Koen Wessing in China and Tibet ; Fotografía. El arte de visibilizar la pregunta. Son travail a été présenté à l’occasion de nombreuses expositions personnelles et de groupe, dont « Nicaragua en El Salvador ».