L’obsolescence est le processus par lequel un sujet devient désuet ou anachronique. L’œuvre Hexagraphy de Colleen Wolstenholme parle de l’obsolescence comme d’un phénomène contemporain, plus précisément de l’obsolescence de l’humain par rapport à la technologie et la nature.
La théorie philosophique appelée Réalisme spéculatif (object-oriented ontologie en anglais), telle que présentée par Timothy Morton, inspire beaucoup l’artiste. Selon celle-ci, l’être humain n’est supérieur à aucune autre entité, vivante ou non vivante. En fait, chaque objet existerait de façon indépendante. La conscience humaine cherche à mettre en relation les entités (vivantes et non vivantes) d’un environnement afin de le saisir. Ainsi, le rapport basée sur la subjectivité de la conscience humaine construit une réalité matérielle qui est propre au sujet, mais qui, en soit, n’a rien de réel. De plus, cette théorie définit le climat, l’internet et d’autres phénomènes naturels et culturels comme des hyperobjets, c’est-à-dire des entités concrètes – bien que souvent considérées comme abstraites – que l’humain peut difficilement concevoir dans sa totalité et avec précision.
L’œuvre de Colleen Wolstenholme aborde l’obsolescence de l’humain en ce sens qu’il a recourt à la technologie afin de créer un langage qui puisse être compris et analysé et qui permet d’interpréter des hyperobjets (par exemple les phénomènes météorologiques ou l’activité neuronale). L’information ainsi interprétée est simplifiée et perd en exactitude. Ayant thermoformé une feuille de plastique sur une structure de métal constituée d’alvéoles et construite de façon aléatoire, l’artiste créa un écran élémentaire, dont chaque cellule représente un neurone. La pièce clignote selon une séquence prédéterminée, présentant un champ neuronal dans sa plus simple représentation et rendant visible l’interaction entre les neurones. Dans une autre œuvre, Wolstenholme a créé une vidéo à partir de captures d’écran, montrant les variations dans le niveau de dioxyde de carbone au-dessus de l’océan Atlantique. Bien que la technologie permette de représenter et de comprendre l’hyperobjet (cette situation atmosphérique précise), l’œuvre elle-même demeure néanmoins abstraite, représentant simplement un système d’interprétation de données. Le retour à l’expérience sensorielle pour le spectateur s’exprime dans la dissonance cognitive entre une compréhension théorique de ces divers hyperobjets et l’expérience sensorielle de ceux-ci, sans l’interprétation d’une machine. Il se crée alors une relation entre le spectateur, la machine et la nature.
Le processus de fabrication de l’écran est lui-même basé sur l’idée d’obsolescence. La structure de métal sur laquelle est thermoformée le plastique est retirée, rendue inutile après le processus de fabrication. Ces structures rappellent par leur présence dans l’exposition le concept de base de la philosophie orientée vers les objets de Timothy Morton : chaque pièce existe individuellement, mais s’interprète différemment lorsque mise en relation avec un autre objet. Les œuvres permettent au regardeur d’interagir avec les hyperobjets qui, autrement, sont quasi-abstraits. L’obsolescence est le lien entre les objets de l’exposition et le spectateur amplifie cette relation d’objet à objet, d’être humain à technologie et d’être humain à la nature.