La Galerie Almine Rech a le plaisir de présenter la première exposition personnelle de Markus Lüpertz, composée d’un ensemble de peintures et sculptures.
Markus Lüpertz est né à Liberec, en Bohème (ex-Tchécoslovaquie), en 1941. Alors qu’il est encore très jeune, sa famille émigre en Allemagne pour des raisons économiques. À l’âge de vingt ans, il s’installe à Berlin et s’établit comme artiste professionnel indépendant. Lüpertz est considéré comme l’une des figures marquantes de la brillante génération d’artistes allemands de l’après-guerre, tels Anselm Kiefer, A.R. Penck, Georg Baselitz, Jörg Immendorff, Gerhard Richter ou Sigmar Polke.
Lüpertz est peut-être le plus éminent des « peintres parmi les peintres ». L’artiste ne tente pas d’imaginer une réalité alternative mais de créer, d’abord et avant tout, un nouvel espace pictural. À cet effet, il utilise l’intégralité des techniques, textures, formats et cadrages possibles, explorant constamment les dimensions universelles de la peinture. Sa quête est basée sur l’histoire même du médium pictural mais son travail s'organise aussi thématiquement autour de valeurs humaines telles que la liberté, l’égalité, le courage, la passion, l’amour, la beauté ou la culture.
Dans les années soixante, Lüpertz crée une série d’œuvres qu’il nomme Dithyramben, littéralement « hymnes exubérants », qui donnent le ton à son œuvre toute entière. Lüpertz y entreprend, d’un côté, de transformer des formes graphiques comme des lettres, des mots, des plans et des lignes dans des images en trois dimensions ; et de l’autre, de convertir des images réelles comme des arbres, des escargots, des casques, et des épis de blé dans des réalités picturales en deux dimensions. Ceci n’est pas sans lien avec certaines formes de résistance artistique répandues dans des mouvements alors prédominants tels que l’art informel ou la peinture figurative ou même des courants avant-gardistes de l’époque. Markus Lüpertz n’est pas un peintre des grandes émotions mais plutôt un peintre conceptuel. Il refuse de reconnaître une signification symbolique univoque à une image spécifique.
Ses travaux sont souvent extrêmement controversés. À cette période, la peinture figurative est considérée comme morte de par son caractère anti-intellectuel et anti-moderniste. Les critiques soupçonnent en outre Lüpertz d’entretenir des « sympathies » avec la nation allemande, en raison notamment de la présence d’éléments symboliques allemands dans son travail. En fait, leur emploi est essentiellement lié à leur signification abstraite et à leur valeur picturale universelle plutôt qu’à leur connotation historique conjoncturelle.
Markus Lüpertz est probablement l’artiste le plus éclectique de son temps. Il adopte une grande variété de styles et de thèmes qui contribuent à la création de son propre univers et nourrissent sa quête de signification de la peinture. Au travers de ses recherches, il jongle constamment entre l’objectivité et la subjectivité, la figuration et l’abstraction.
Son emploi des styles et des thèmes incarne une liberté fondamentale : prendre l’art comme propre thème plutôt que ses aspects constitutifs, comme la narration, la figuration ou la portée sociale. Chaque image, chaque signe, chaque geste est comme un mot isolé dans un poème inachevé ou une phrase qui demeure encore à être énoncée. Leur sens « n’existe » pas, mais plutôt « éclôt » à travers l’interaction avec d’autres images. À cet égard, le travail de Markus Lüpertz, pourrait se situer dans l’axe des artistes de la première génération du Pop Art, tel que Jasper Johns qui réduit le drapeau américain à une peinture de paysage, dénuée de toute valeur symbolique.
À partir des années quatre-vingt, Lüpertz réalise un ensemble d’œuvres dans lequel il explore un nombre de sujets universels extrêmement importants. Ces travaux s’inspirent d’artistes classiques tels que Poussin, Millet et Rubens ainsi que de thèmes historiques comme Parsifal ou Les Trois Grâces. Ainsi réalise-t-il un voyage quasi-intégral dans l’histoire de l’art. Tous ces thèmes sont essentiellement utilisés d’une manière similaire. Lüpertz ne s’intéresse pas tant à la variation contemporaine du thème lui-même qu’à son sens holistique, sans âge, et à son expression picturale. C’est précisément ici que se situe la valeur intrinsèque et le caractère unique de Markus Lüpertz en tant qu’artiste. Il n’est pas simplement un producteur d’images brillant mais également un chercheur intense et sans repos de valeurs humaines universelles. C’est comme ardent défenseur de ces valeurs qu’il a dirigé l’académie de Düsseldorf plusieurs années, indubitablement l’une des plus importantes institutions artistiques en Europe.
En 2005, le musée Dhondt-Dhaenens a eu l’honneur et le plaisir de présenter une exposition de l’artiste. Cette exposition était la première des présentations monographiques de Lüpertz en Belgique, et révèla un ensemble de dessins, de gravures et d’aquarelles, toutes conçues autour du thème des Trois grâces, l’un des plus interprétés de l’histoire de l’art.
On pouvait également voir une sélection de sa série de ‘dos nus’. Lüpertz en a peint une centaine environ. Le travail sériel et l’approche cinématique de la conceptualisation visuelle sont caractéristiques de l’artiste. Ces travaux qui sont davantage que des concepts semblent n’émerger de nulle part. Une œuvre donne naissance à une autre dans un mouvement continu. Un flux véritable d’ingéniosité picturale. Les œuvres ne transcrivent pas la sensualité du nu. Il est même difficile de discerner si elles représentent des nus féminins ou masculins. Cependant, Lüpertz mène une étude du dos – motif régulièrement exploré depuis Rubens – questionnant la manière dont il peut aujourd’hui générer un sens pictural. Le dos est envisagé comme un paysage abstrait. Cette « distanciation » vis-à-vis de la sensualité n’implique en aucune manière qu’il soit coupé de ses sujets. Lüpertz tente toujours de trouver un équilibre entre l’engagement et l’éloignement, l’attachement émotionnel excessif étant, selon lui, démesurément narratif, déformant les images avec des « effets secondaires » excessifs qui leur font perdre leur dimension universelle.
Markus Lüpertz n’est pas simplement un peintre doué, il est également un sculpteur extraordinaire. Ses bronzes peints, qu’ils soient petits ou de taille plus importante réécrivent une histoire de l’art et instaurent un dialogue intense entre la peinture, la sculpture et l’architecture.