Projet Pangée a le plaisir de présenter The Far Off Blue Places par Anjuli Rathod (New York) et Vanessa Brown (Vancouver). Cette exposition rassemble deux artistes dont le travail exprime différentes versions d’une narration artistique dont le thème est le rêve désincarné. Évoluant dans l'univers du surréalisme, leurs oeuvres s’immiscent dans l’étrangeté du quotidien à travers des mythologies fantasmagoriques créées à partir d’expériences vécues. Rathod par la peinture, et Brown par la sculpture, créent des pièces qui naviguent entre divers mondes matériels, et dessinent la nature physique d'un geste pour pénétrer dans l’intimité de la création.
Pour peindre, Rathod s'inspire du processus surréaliste d’écriture automatique qui lui permet de créer un lien direct avec son inconscient, ce procédé lui permettant de forer dans les zones enfouies de sa mémoire et de se lancer dans une introspection poussée. Ses coups de pinceau stylisés, irréguliers et bruts nous plongent à l’intérieur d’une narration onirique, gravant une distance entre nous et le réalisme. Sa manière très particulière d’animer les sujets qu’elle traite nous transporte comme spectateurs dans un ailleurs, un quelque part qui est assez indéfini et qui définitivement n’existe pas uniquement sur le plan de la conscience. L’intérêt de Rathod pour les identités des diasporas se déconnecte intentionnellement de leurs racines. Elle aborde ses sujets grâce à un usage elliptique mais expressif de l’animation de l'image dans l'espace, là même où le langage est impuissant.
Brown trouve dans le quotidien son sujet de prédilection. Elle cisèle le métal et le peint. Chacune de ses sculptures est un assemblage de plusieurs morceaux d'acier, chacun d'entre eux étant bidimensionnel, mais l'association de plusieurs de ces morceaux pour créer une oeuvre résulte en une troisième dimension. Ces morceaux d'acier représentent soit des objets du quotidien, soit des formes abstraites, tous provenant de son subconscient pour mettre en scène de façon dramatique des événements qui viennent de se produire. Chacun des fragments est une partie d’une histoire plus vaste, l’association de ces fragments nous permet de tisser des liens qui se modifient selon la perspective dans laquelle on se place, les histoires changeant donc au gré du point de vue que l’on adopte. Par sa manière de faire naître les idées simplement dans la pratique de son travail manuel, elle contredit l’industrialisation sans âme du monde métallurgique.
Chacune des séries d’oeuvres des deux artistes active une infinité d’arcs narratifs. Chacune des oeuvres peut trouver de nouvelles explications dans la conversation qu’elle entretient avec sa voisine ainsi qu’avec les autres. Les sculptures de Brown évoluent sans cesse à chaque fois qu’un nouvel élément d'acier est ajouté, créant des associations d’idées qui peuvent ne pas être intentionnelles. Rathod, elle, dessine des boucles narratives entre des sujets qui ne sont pas initialement connectés, permettant à une histoire d’émerger de ce processus.
Pour les deux artistes, la praxis irrigue leur travail d’une sève surréaliste, et la signification de chaque oeuvre se transforme au fur et à mesure de sa réalisation, leur sens ne cristallisant que lorsqu’elles occupent de façon organique tout l’espace qui doit être le leur. Ensemble, les peintures et les sculptures imbriquent leurs histoires dans un espace tangible : le flacon de parfum, la main et l'orange des sculptures de Brown composent une scène qui peut être aussi noire qu’elle peut être légère ; l’araignée, le serpent et les clefs dans les peintures de Rathod jouent avec les codes de l'iconographie du cauchemar. Tous ces symboles habituellement utilisés pour décrire des idées sinistres créent en nous des sensations ambiguës, car ces symboles sont contrebalancés par une évidente énergie ludique.
Vanessa Brown vit à Vancouver sur les territoires non cédés Salishes côtier. Elle a obtenu un baccalauréat en arts visuels à l'Université Emily Carr en 2013 et a été récipiendaire de la Bourse du chancelier. Son travail a été exposé au Canada, en Allemagne, aux États-Unis et au Mexique, notamment dans des expositions individuelles et collectives à Wil Aballe Art Projects (Vancouver), Erin Stump Projects (Toronto) à la Nanaimo Art Gallery (Nanaimo), à Künstlerhaus Bethanien (Berlin) et à King Street Station (Seattle).
Anjuli Rathod vit et travaille au Queens, New York. Elle a obtenu un baccalauréat en arts visuels de l'école du Musée des beaux-arts de Boston et a assisté au programme de résidence AICAD / New York Studio. Rathod a participé à des résidences à The Millay Colony of the Arts, aux Studios de MASS MoCA et au projet Shandanken. Son travail a été publié dans le Lumina Journal et Hyperallergic. Elle a également cofondé Selena, une galerie située à Brooklyn, dirigée par des artistes. Elle exposera prochainement au Knockdown Center (Queens).