En 1978, alors âgée de 67 ans, la photographe polonaise Zofia Rydet (1911-1997) entreprend le projet monumental Répertoire sociologique. Ce corpus regroupe quelque 20 000 photographies réalisées dans plus d’une centaine d’agglomérations polonaises, villes et villages principalement situés dans les régions de Podhale, de Haute-Silésie et de la ville de Suwałki.
Malgré le très grand nombre d’expositions consacrées à son travail, Zofia Rydet a longtemps occupé une place à part dans les milieux de la photographie polonaise, dominés à l’époque par ses confrères masculins et leur inclination artistique conceptuelle.
Présentée au musée d’Art moderne, à Varsovie en 2015, l’exposition est née de l’ambition de reconstituer une exposition n’ayant jamais vu le jour : fondée d’une part sur des indications extraites des notes et de la correspondance de Rydet, elle ajoute d’autre part une dimension contemporaine au travail de la photographe par le recours aux technologies actuelles, notamment avec un certain nombre de tirages inédits.
Intitulée « Zofia Rydet. Répertoire, 1978-1990 », cette exposition rétrospective rassemble près de 300 tirages modernes issus de trois séries : Répertoire sociologique, Femmes sur le pas de la porte et Professions.
Si le cycle Répertoire sociologique a été présenté à plusieures reprises (en Pologne, mais aussi à l’étranger, notamment à l’International Center of Photography de New York), le contenu de ces expositions a été, en fait, le plus souvent limité à quelques dizaines de tirages gravitant autour d’images « iconiques » de villageois posant à l’intérieur de leurs habitations. La série réalisée par Rydet est apparue à un moment très précis de la réflexion théorique engagée par la photographie polonaise – à une époque où était débattue la « possibilité d’une photographie sociologique ». Vers la fin des années 1970, la maison d’édition People’s Publishing Cooperative envisage même de publier Répertoire sociologique sous forme de livre, mais l’idée est abandonnée, vraisemblablement en raison de l’image négative de la Pologne qu’en donne la série.
Cela explique pourquoi, dans ce contexte, les archives sociologiques ont été souvent interprétées comme articulant une critique politique, des photographies extraites de la série ayant même été présentées par l’Église dans les années 1980 à l’occasion d’expositions organisées contre le régime communiste.
Au cours des dernières années de sa vie, Zofia Rydet, trop faible pour sillonner la Pologne avec son appareil photographique, entreprend de remanier son matériel photographique à l’aide d’une paire de ciseaux, de morceaux d’étoffes, de fleurs séchées et de boutons. Ses collages marquent à partir des années 1990 un retour aux portraits surréalistes et à l’iconographie psychédélique des débuts de sa carrière, une tendance qui remplace alors le programme obsessionnel et quasi documentaire du Répertoire sociologique inachevé.