Oscar Muñoz, né en 1951 à Popayán (Colombie), est considéré comme l’un des artistes contemporains les plus importants de son pays natal, tout en suscitant l’attention de la scène internationale. Diplômé de l’Institut des Beaux-Arts (Instituto de Bellas Artes) de Cali, il développe, depuis plus de quatre décennies, une oeuvre autour de l’image en relation avec la mémoire, la perte et la précarité de la vie. Grâce à des interventions sur des médiums aussi différents que la photographie, la gravure, le dessin, l’installation, la vidéo et la sculpture, son oeuvre défie toute catégorisation systématique.
L’exposition « Protographies » (un néologisme qui évoque l’opposé de la photographie, le moment antérieur ou postérieur à l’instant où l’image est fixée pour toujours) présente l’essentiel de ses séries, regroupées autour des thématiques majeures de l’artiste, qui mettent en rapport de façon poétique et métaphorique son vécu personnel et les différents états de matérialité de l’image. Il associe, par exemple, la dissolution de l’image, son altération ou sa décomposition avec la fragilité de la mémoire et l’impossibilité de fixer le temps ; ou encore l’évaporation et la transformation de l’image avec la tension entre la rationalité et le chaos urbains. Enfin dans la majeure partie de son travail, il crée des images éphémères qui, en disparaissant, invitent le spectateur à une expérience à la fois sensuelle et rationnelle.
Oscar Muñoz débute sa carrière dans les années 1970 à Cali, dans un contexte d’effervescence culturelle et pluridisciplinaire intense qui a permis l’émergence d’une génération d’écrivains, de photographes, de cinéastes et d’artistes de premier plan, tels que Carlos Mayolo, Luis Ospina, Fernell Franco ou Andrés Caicedo. À cette époque, Muñoz travaille avec le dessin au fusain sur des grands formats, mettant en exergue des personnages tristes, parfois sordides, empreints d’une profonde charge psychologique. Dès lors, s’affirment les axes fondateurs de sa pratique : parmi ceux-ci, un intérêt constant et marqué pour l’aspect social, un traitement très spécifique des matériaux ; l’utilisation de la photographie comme outil de mémoire ; la recherche des possibilités dramatiques des jeux d’ombre et de lumière en relation avec la définition de l’image. Par ailleurs, l’artiste a développé une approche phénoménologique du minimalisme, en insistant sur la relation entre l’oeuvre, le spectateur et l’espace qui les accueille.
Au milieu des années 1980, Oscar Muñoz s’éloigne des méthodes artistiques traditionnelles et commence à expérimenter des procédés innovants en créant une véritable interactivité avec le public. Il va, dès lors, travailler à une remise en question radicale de l’exercice du dessin, de la gravure, de l’utilisation de la photographie, de la relation de l’oeuvre avec l’espace. Il abandonne ainsi les formats et les techniques traditionnelles – tout en conservant leurs racines et leurs ressorts principaux – pour enquêter sur l’éphémère en mettant en valeur les qualités essentielles des matériaux employés et leurs associations poétiques. Le recours aux éléments fondamentaux – l’eau, l’air et le feu – renvoie au processus, aux cycles et aux manifestations transcendantales de la vie, de l’existence et de la mort. « Mon travail tente de comprendre comment le passé et le présent sont plein de faits violents », dit l’artiste. En utilisant des médiums très différents, Oscar Muñoz efface les frontières entre chaque discipline à travers l’utilisation de procédés inédits et probablement sans précédent dans l’histoire de l’art.