Paris, mai 2018.
Sur les marches de la bibliothèque du Centre Pompidou, un monsieur d'une cinquantaine d'années commence à bavarder d'études, de cultures, de migrations et d'autres vies. Il nous raconte une histoire, peut-être deux ou trois, et ce n'est que plus tard qu'il mentionne à quel point il est reconnaissant de vivre dans cette ville.
Nous échangeons quelques idées, des citations, des conversations désordonnées sur les lieux et les voyages, le centre et la périphérie, les migrations actuelles et la politique, la philosophie.
Elle m'a raconté l'histoire d'une petite fille de six ans qui venait du Cameroun et qui s'était retrouvée dans sa piscine après avoir traversé Tanger à la nage jusqu'à la côte espagnole. Il m'a raconté à quel point il s'était senti ridicule ce jour-là lorsqu'il l'avait encouragée à se jeter à l'eau sans craindre de nager, ne sachant que plus tard son histoire.
Entre chacun de ces forts silences et un autre échange d'idées, nous avons chacun fait un pas en avant dirigés chacun de notre côté vers la bibliothèque.
Et toujours dans ces escaliers, cherchant à terminer un travail, je remarque une sublime luminosité qui laisse sans voix. Par mes yeux, par l'immensité de ce que je vois, j'en conclus que je ne pourrais peut-être pas vivre ici.
Plus tard, sur ce balcon, avec une si belle vue, il y a eu des conversations interminables sur l'urgence de voir. Nous voulions regarder chaque chose, comme si le temps manquait parce que la lumière était trop forte. C'était une sorte de fragilité qui nous remplissait de larmes, alors que nous étions assis sur le sol des jardins, des musées, devant chaque tableau.
C'est le dernier jour, alors qu'il était déjà si tard, que nous avons entendu des vers dans un appel téléphonique. Nous sommes restés silencieux, face aux mots infinis qui se sont envolés pour toujours cette nuit-là : au-delà de cette rue, au-delà de la dernière fenêtre.
Un souvenir de l'autre côté du monde, lorsqu'il respirait tranquillement et nous disait de ne jamais oublier :
"Le temps, c'est le temps d'apprendre / D'être / Sourire à l'intérieur et toujours grandir / Ce n'est jamais assez la vie qui a été".
L'opportunité de voyager en Europe, dans le cadre d'un programme Erasmus par exemple, est une expérience immensément enrichissante et dont je pense que je serai reconnaissante pour le reste de ma vie, même lorsque nous avons l'impression que rien n'est suffisant. Dans les derniers jours, j'ai rencontré Jornal à Bruxelles et nous avons fini par passer une journée ensemble à Amsterdam. Après avoir visité la maison d'Anne Frank, nous nous sommes rendus au Vondel Park où j'ai ressenti une immense joie après avoir parcouru toutes les petites rues et observé le paysage et l'architecture des maisons au bord des canaux.
En fin de journée, après une bière au bord de la rivière, le journal a disparu juste à temps pour prendre le bus et je me souviens de ces minutes d'angoisse, alors que j'avais mon portable éteint et que je ne savais pas quoi faire, entre partir ou rester à le chercher.
Il est apparu à la dernière minute, avec un calme immense, en riant et en me disant qu'il avait passé une excellente journée. Je garde chacun des jours à Bruxelles et de mes voyages comme ça : dans une liberté, un calme et des choix propres où je voyais tout avec le temps, une autre paix et une autre joie.
J'ai vécu six mois en me sentant chez moi d'une manière inexplicable et en voyageant seule dans les villes, entre les trains et les avions des possibilités. J'ai ouvert d'innombrables livres dans des jardins, j'ai pris des notes sur des musées et des peintures, j'ai marché dans des rues où je pensais pouvoir ou ne pas pouvoir vivre.
Je me souviens de chacun de ces moments de rencontre profonde avec moi-même, de promenades à vélo et d'égarement volontaire dans les villes, n'ayant à cœur que moi-même et mes intérêts, pouvant leur consacrer tout le temps du monde. J'ai pu contempler ma vie de loin, chaque souvenir et être reconnaissante pour les vraies amitiés, contribuant peu à peu à un processus de paix, de stabilité, de lâcher-prise ou même de guérison de certaines douleurs, ou même de guérison de certaines douleurs.
Ces derniers jours, le soleil s'est couché après 10 heures du soir et j'ai marché dans les bois à côté de l'université, le "Bois de la Cambre", entouré d'arbres et de lacs, avec un immense désir de me reposer. Je me suis promenée dans le bois de la Cambre, entourée d'arbres et de lacs, avec un immense désir de remercier silencieusement pour ce qu'elle avait eu la chance de vivre.
"Je voyage aussi à cause de ces rêves, je voyage parce que j'y crois. Voyager, c'est aussi dire au revoir, souvent, c'est distinguer d'autres vies, les considérer et être en mesure d'y répondre, distinguer d'autres vies, les considérer et être obligé de reconnaître qu'on ne pourra jamais les vivre. Voyager, c'est aussi perdre."