On ne sait pas si Jürgen Klopp sera encore sur le banc des Reds la saison prochaine (ou s’il sera remercié avant) mais une chose est certaine : la soirée de ses hommes a ressemblé à un calvaire aussi humiliant que le score final. Avant ce mardi soir de février dans le chaudron d’Anfield, jamais Liverpool n’avait connu pareille déconvenue. Cinq buts dans l’escarcelle, tous inscrits en quarante-six minutes alors que les rouges avaient pris les choses en main, prenant jusqu’à deux buts d’avance dès le premier quart d’heure grâce à Darwin Nunez et Mohamed Salah. Ce Liverpool, si fringant, si tranchant d’entrée, a pourtant trouvé le moyen de retomber dans ses travers au coeur d’une saison déjà ratée (éliminé des deux coupes domestiques, piètre huitième décroché en Championnat) et qui finira blanche sauf incroyable retournement de situation. En face, même privé de Toni Kroos et Aurélien Tchouaméni, le Real a donné la leçon, un véritable récital technique et tactique comme rarement a-t-il eu l’occasion de montrer en Ligue des Champions. Pour rappel, dans un genre similaire, il y a bien eu la demie aller de la saison dernière face à Manchester City avec un festival de buts du même acabit mais qui avait vu l’équipe de Josep Guardiola finalement l’emporter (4-3). Ce soir-là, le Real avait aussi pris l’eau d’entrée et Karim Benzema avait laissé les Merengues en vie avant le retour. Le monde du football avait peut-être assisté en cette chaude soirée à l’un des plus grands matchs de la dernière décennie, que ce soit en termes d’intensité, de scénario ou de spectacle.
Ce mardi soir, les hommes de Carlo Ancelotti ont donc décidé de frapper un grand coup dans ces huitièmes de finale et d’envoyer un signal fort à la concurrence. Les incivilités des quelques “supporters“ la veille (feux d’artifice tirés en pleine nuit devant l’hôtel des joueurs et jets de projectiles sur leur bus à l’arrivée au stade) ont sûrement donné un surplus de motivation aux coéquipiers d’El Nueve.
Vinicius, l’arme fatale du Real
On devrait davantage en parler, car même si les médias ont majoritairement les yeux rivés sur Paris et Kylian Mbappé, faisant les gros titres depuis le Mondial qatari et son (immense) poids au sein du club de la capitale, il y en a un autre, dans un style différent, qui rayonne. Du propre avis de son entraîneur, le Real Madrid tient en Vinicius Jr une arme de destruction massive sous-cotée mais diablement efficace. D’un altruisme prononcé et d’un réalisme implacable. Le Real n’a pas plus tiré au but que Liverpool mais avec son joyau brésilien, il a su être clinique dans la finition, ce qui avait déjà été le cas lors de la dernière opposition entre les deux clubs, en mai dernier au Stade de France lors de la finale de la reine des compétitions. Son pressing devant Alisson puis le contre qui s’en est suivi a fait craquer Liverpool par deux fois et ses appels constants dans le dos de la défense ont semé une telle pagaille que Klopp a bien failli en manger sa casquette. Quand les choses se passent ainsi, avec même quelque peu de réussite (le but de Benzema dévié par Gomez dans son propre but), on ne voit pas vraiment comment on pourrait battre ce Real-là. Car outre le duo Vini-Benzema, il y a aussi un Rodrygo décisif sur son aile et surtout un Luka Modric qui a 37 printemps, n’a jamais semblé aussi fort que dans ses grands rendez-vous européens.
Klopp, clap de fin ?
C’est un sujet qui fait désormais débat dans la presse britannique : est-ce la dernière saison de l’allemand sur le banc liverpuldien ? Anfield va-t-il perdre son héros ? Après l’humiliation de ce match aller, en plus des résultats décevants et malgré l’accumulation de blessures qui ont émaillé l’équipe, si on prend en compte l’hypothétique lassitude mentale ou physique des joueurs ainsi qu’un effectif peu renouvelé ces dernières années, la question du départ du technicien au sourire carnassier se pose de plus en plus. Pour faire simple, la seule possibilité aujourd’hui pour lui d’accrocher l’Europe et donc de sauver la saison se trouve être en Championnat. Bien que relégué à sept unités du Top 4, l’exercice en cours est encore long et tout reste mathématiquement possible, à condition de gagner en constance. Parce que si elle ne serait pas problématique sur le plan économique pour le club (Liverpool étant en “auto-suffisance”), une non-participation à la prochaine édition de la Ligue des Champions ternirait clairement le bilan de l’ancien coach du Borussia Dortmund. Sur les bords de la Mersey, il faut savoir que Klopp est vu comme une légende, celui qui a ravivé la flamme et construit son Liverpool pour en faire une machine à gagner en huit ans, et qu’il faut surtout garder en mémoire que la saison dernière a failli être le théâtre d’un historique quadruplé (Premier League, FA Cup, Carabao et C1), ce que les Reds ont raté d’un cheveu. Et on ne vire pas une légende. En tout cas, pas comme cela. La décision finale reviendra évidemment aux propriétaires du Fenway Sports Group, mais à Anfield, un mythe reste un mythe et aujourd’hui, la tendance est davantage à la patience qu’au licenciement de celui qui a su ramener la lumière au sein d’un club qui n’avait plus gagné de titre majeur depuis trente ans.