C’est le nom Sranan donné à cette fleur devenue emblème national du Suriname. L’Ixori Coccinea est une plante à fleurs originaire du sud de l’Inde, du Bangladesh et du Sri Lanka, connue également sous le nom de Géranium de la jungle, de Flamme des bois ou encore Flamme de la jungle. Elle pousse abondamment au Suriname et fleurit toute l’année, comme en Asie du sud. Pour les Surinamiens, elle est devenue un symbole d’amour durable et de passion ardente.
Cet «amour ardent» brûle au coeur des jungles sud-américaines. Rien à voir avec les feux détruisant la forêt Amazonienne2 : il se transmet et anime tous ceux nés avec cet esprit de résistance, comme c’est le cas des Ndyuka, descendants des esclaves Marrons qui n’ont eu de cesse de développer des mouvements et des noyaux de résistance dans ce bassin nord est de l’Amazonie.
Cet «amour ardent» frais, révolutionnaire, résistant, urgent, éclairé, communautaire, organisé et uni était le moteur de ces quinze hommes4 opposés à la dictature militaire gouvernant le Suriname dans les années 1980. Les 7,8,9 décembre 1982 à Paramaribo, capitale du Suriname, ces derniers furent internés au Fort Zeelandia, torturés puis assassinés pour s’être opposés au régime militaire.
La statue de la Reine Wilhelmine des Pays-Bas - ancienne puissance coloniale - située devant ce fort fût déplacée en 1974, alors qu’elle se trouvait face au Palais du Gouverneur, devenu Palais Présidentiel et remplacée par une sculpture à l’effigie de Jopie Pengel (Premier Ministre du Suriname de 1963 à 1969), œuvre réalisée par Stuart Robles de Medina, grand-père de Xavier Robles de Medina. Dans les archives du Musée National se trouve une photographie de Stuart et d’un ami déplaçant la sculpture de la Reine vers son emplacement actuel. La sculpture et le Fort Zelandia incarnent le symbole de la chute de l’Empire colonial des Pays-Bas. Les régimes autoritaires et violents écus comme indestructibles sont souvent plus fragiles qu’il n’y parait dès lors que nous nous mobilisons contre ces pouvoirs autocratiques, faisant montre de ce courage incarné par le faya lobi.
Dans son exposition, Xavier Robles de Medina présente un dessin réalisé d’après ce document photographique. Son travail s’organise comme une fouille lente et méthodique ou plutôt comme une réactivation du passé. J’ai vu Xavier travailler, son procédé est extrêmement précis, minutieux. Il dit de lui-même qu’il a surtout le sentiment d’effleurer, d’effacer le sujet avec délicatesse et retenue. En l’observant progresser dans ses dessins, nous avons l’impression d’accéder à une clairière après avoir parcouru un long sentier obscur. Il y a en lui une forte détermination, la passion et la conviction intime que le sujet apparaîtra en pleine lumière à la fin du processus. Cela me fait penser à la façon dont nous honorons nos ancêtres. Nous sommes tous porteurs (inconsciemment ou non) de leurs engagements, de l’ensemble de leurs efforts et des risques qu’ils ont encourus pour que nous puissions jouir des libertés élémentaires nécessaires à notre quotidien de citoyens et d’Hommes libres. Il arrive, parfois par hasard, que nous emboîtions leurs pas pour préserver leur héritage.
Il faut de la mansuétude pour se pencher avec bienveillance sur notre passé et accepter de transformer une relation témoin de grandes violences - embrassant le présent pour préserver l’avenir dans l’esprit du faya lobi. Avec amour ardent,
(Paula Pinho Martins Nacif)