On peut bâtir une vie entière sur un émerveillement ou une intuition que l’on a eu enfant. ?Il est des souvenirs qu’il faut sans arrêt «creuser» et décliner, car il y a au cœur de ces fascinations initiales des intuitions sur une réalité qui nous dépasse.
Notre rôle, pour la vie entière, devient alors de donner forme à ces intuitions pour révéler, à soi-même et aux autres, cette vérité cachée.?Paul Virilio, qui est décédé l’année dernière et auquel cette exposition rend hommage, a ainsi construit sa pensée philosophique sur la base d’une image marquante de son enfance : celle de l’horizon et des attaques maritimes et aériennes au large de Nantes pendant la seconde guerre mondiale. ?La disparition récente de Paul a été l’élément déclencheur pour formaliser un projet sur ces images fondatrices d’un parcours de vie singulier, sur ce moment de grâce où une sensibilité particulière est sollicité pour développer une appréciation très fine et pertinente de la réalité qui comble l’enfant, véritablement «impressionné», d’une inspiration pour la vie à venir.
«Horizon négatif», «ligne de fuite» et «Ektachrome» sont trois installations interactives, électroniques, cinématographiques et sonores. Autant de tentatives pour évoquer et rentrer à l’intérieur de ce paysage qui porte le destin de l’observateur vers ce point idéalisé, appelé «point de fuite», où des parallèles semble se rencontrer. Le terme de «ligne de fuite» est à entendre ici dans le sens que lui donne Deleuze et Guattari: «C’est la ligne qui nous promet une émancipation, délivrance et libération. On comprend que les lignes de fuites n’amènent pas à un avenir mais un devenir. Au contraire du destin fixé, préétabli, il y a cette ligne, qui nous permet de sentir l’être en nous, de se sentir débarrassé du joug.»