Pour sa quatrième exposition à la Galerie Charlot, elle qui nous avait habitués à ses fonds noirs intenses, Anne-Sarah Le Meur vire de bord : place au rose ! Rose chewing-gum ou fuchsia, vieux rose, parme peut-être ?, rose abricot-pâle-peau, rose frais, rose laiteux… Les compositions des surfaces s’organisent alors autour de couleurs veloutées et chaudes, parfois contrastées et ponctuées d’opposées : jaune vif, vert franc. Parfois un rose ne révèle qu’au deuxième temps du regard qu’il est juxtaposé à une teinte similaire, légèrement différente, indécelable rapidement, mais qui crisse ensuite doucement sous l’œil. Rose acidulé ? Entremêlement de minimalisme et de rutilance. Ailleurs, le fond prend la forme d’une substance envahissante, faisant disparaître en partie la surface « par en dessous ». Des plissés tremblent, des lisses se posent. La perception se complexifie grâce à des impressions contraires : substance ou surface ? surface ou espace ?
L’espace 3D d’Anne-Sarah Le Meur présente la particularité d’être « diminué », réduit paradoxalement à une surface en mouvement, donc en léger volume, dans un entre-deux de presqu’épaisseur. Alors que notre société encourage constamment au plus vite, au plus grand, au plus visible…, l’ambition de cette artiste vise un « moins », pour un « mieux » : son laps de volume amène d’infimes mais subtils effets plastiques liés à la perspective.
L’exposition Rose Apothéose réunit tirages, œuvres vidéos et œuvres génératives. Dans la continuité des grands peintres obsédés par les sensations colorées, Anne-Sarah Le Meur explore inlassablement les rapports de tons, coupants ou estompés, les textures, fibreuses ou soyeuses, les rythmes d’ondes… Par des boucles, combinatoires et constantes variations sur les nombres, les métamorphoses lentes deviennent caresses ou brusqueries joyeuses pour le regard. Érotique, cette abstraction ?