La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter Là-bas...Toi, la huitième exposition personnelle de Carole Benzaken depuis 1993, qui investira pour la première fois simultanément les deux galeries rue du Bourg-Tibourg et rue du Cloître Saint-Merri.
En construisant depuis près de 30 ans une oeuvre polysémique qui rançonne les flux d’images pour prélever des instantanés, Carole Benzaken élabore méthodiquement un travail homogène qui n’empêche nullement les ramifications hétérogènes de se former. L’artiste questionne la profusion et la précipitation avec lesquelles ces images nous assaillent en permanence, provoquant un sentiment de satiété quant à une multiplicité visuelle qui n’est jamais assouvie.
Dans la galerie de la rue du Bourg-Tibourg, Carole Benzaken présentera la série des Greffes, huit tableaux de format identique dont les variations chromatiques manoeuvrent du vert acide au plus amical des roses. Le sujet de l’oeuvre est dissimulé par la peinture et se dérobe à notre capacité de reconnaissance tant les effets d’accélérations de vitesse le masquent. Seules quelques lignes verticales viennent battre la mesure de cette frénétique horizontalité, scandant les folles échappées du pinceau de l’artiste. En une oralité et une musicalité éloquente («Je peins comme je parle» dit l’artiste), ces tableaux emportent le spectateur dans une course spatiale et temporelle puissante.
De la même manière, la série des Au réveil, il était midi* présentée à la galerie de la rue du Cloître Saint-Merri, contrarie aussi notre entendement. Si l’on pense distinguer des arbres, des habitations, des murailles ou un paysage sous la neige ; la succession de cadres tels des fenêtres d’écrans hypertextuels qui viendraient se surimposer aux meurtrissures froissées de peinture blanche (fourmillement de lettres oubliées ou d’une nuée de volatiles) déjouent toute tentative d’identification raisonnée. Après les (Lost) Paradise, ces peintures nous parlent de lieux archétypaux où l’empreinte des hommes serait brouillée par le processus pictural superposant un ensemble de couches plus ou moins translucides. Ces paysages sont illuminés par un trouble perceptif analogue aux vibrations lumineuses et colorées des écrans contemporains.
Les oeuvres sur papier Portée d’Ombres perpétuent ce sentiment de défaillance de la représentation, de cette figuration si trompeuse qu’elle en devient abstraite. En écho à la division par tranche et lamelles verticales, ces dessins à l’huile en bâton reprennent le motif cher à Carole Benzaken des branchages, comme manifestations imagées de la filiation, de la racine à la transmission. Tandis que les petits Germes Rouges cuits dans le verre cadencent la galerie d’une vivacité colorée agissante comme contrepoints des Greffes, les deux grands Trees tempèrent l’accrochage avec la sérieuse impénétrabilité d’une forêt de bouleau.
Dans la lignée des paysages africains, des (Lost) Paradise, des I-Bowa, des Od drzwi do drzwi ou de Saviv Saviv qui incarnaient alors des questions de mémoire traumatiques et textuelles, ce nouvel ensemble d’oeuvres permet une incursion inédite dans la généalogie personnelle de l’artiste. Tandis que la contamination continue à se déployer (déplier) dans l’espace, Carole Benzaken poursuit ses expérimentations picturales et ses déplacements nécéssaires en informant chaque monde technique par un autre, problématisant ainsi son désir de peindre et de penser l’image aujourd’hui.