Si le monde de l’art est rempli de femmes, elles occupent surtout la place en tout anonymat. Certes, elles sont légions dans la représentation de l’idéal féminin, mais bien loin de toute parité quand il s’agit d’évoquer les femmes artistes. Le combat est rude pour que leur talent soit exposé et reconnu aux yeux de tous. Si 85% des nus représentés sont des corps de femmes, le pourcentage d’artiste au féminin fond comme neige au soleil. L’art contemporain aurait tendance à leur offrir une plus enviable position, encore que ? Quant à l’art classique au sein des musées, il ne concerne uniquement que 5% des artistes exposées, d’où cette interpellation sous forme d’humour grinçant de la part du groupe des Guerrilla Girls fondé dans les années 85. Leur poster réalisé en 2005 fit sensation : “Est-ce que les femmes doivent être nues pour entrer au Metropolitan Museum ?”.
De cette interrogation est née une prise de conscience, abolissant certaines règles obsolètes pourtant en vigueur depuis la Renaissance, en passant par le 18ème siècle, le Bauhaus ou l’art du 20ème. Il faudra attendre les années 70, théâtre d’une intense réflexion menée par ces femmes artistes qui font alors le constat amer de leur quasi-invisibilité sur la scène de l’art. Le féminisme va totalement changer la donne. On peut légitimement se poser plusieurs questions : est-ce que ce sont les mouvements de femmes liés au féminisme qui ont changé cette donne ? Est-ce que ce sont les artistes femmes ? Est-ce qu’un travail est féministe sans que les femmes aient adhéré elles-mêmes au mouvement des femmes ? La reconnaissance des femmes artistes, (en France) est bien plus tardive. Elle date de la fin des années 90, et encore. C’est une réalité que l’on n’aime pas trop penser. Bien sûr lors de ces années 70, beaucoup de choses ont évolué, nombre d’expérimentations artistiques se sont exprimées. Annette Messager s’invente un genre femme artiste. “Je me sens plus femme en tant qu’artiste que dans la vie.” dit-elle. Mais, réellement, les choses n’ont vraiment changé que très récemment.
L’exposition “Terres de Femmes” proposée par Praz-Delavallade Paris réunit des sensibilités multiples, de générations différentes, d’expressions diverses mais toutes ont en commun ce goût universaliste reprenant pour lui les idéaux de liberté et d’égalité. Il ne s’agit plus de repenser la question en terme de statistiques mais en terme d’influence. Alors que le 21ème siècle s’ouvre à d’autres aires de culture “Terres de Femmes” s’invite (de manière modeste et lacunaire certes) dans ce débat où l’histoire est à se raconter à parité égale entre masculin et féminin. Ces 26 personnalités au caractère bien trempé représentent la preuve vivante de leur vitalité face à un machisme en perte de sens.