Créateur «généraliste», ce qui suppose une représentation unifiée du savoir, Pierre Ardouvin s’inscrit pleinement au service d’ une œuvre qui se déploie sous les formats de l’installation, du collage, de l’assemblage, de la récupération et du bricolage de génie. Au fil des ans, il a développé une réflexion sur la culture du spectacle, la mémoire des utopies, du devenir des rites du quotidien privilégiant les rapports d’identité et d’affects cristallisés dans les formes vernaculaires.
Par la ré-appropriation d’objets ordinaires qu’il investit, sa recherche artistique interroge les notions d’authenticité et d’illusion sur un mode du recyclage et du ré-assemblage convoquant un imaginaire familier, irrigué par les souvenirs à la fois personnels et collectifs, proche d’une culture populaire et d’une domesticité usitée. Son travail dévoile souvent la violence ou la mélancolie latente qui émane de ces représentations a priori inoffensives. «C’est à travers ces explorations psychiques de l’ordinaire occidental que l’oeuvre de Pierre Ardouvin pourrait s’avérer sourdement critique».
Pour sa seconde exposition à la galerie Praz-Delavallade Paris, l’artiste s’inspire de ce voyage effectué par Rimbaud au détour des années 1878 au Yemen et en Ethiopie et de son séjour au désormais célébrissime Hôtel de l’Univers à Aden. Il en résulte un télescopage entre Rimbaud et Ardouvin d’une étonnante modernité malgré les décennies qui les séparent, révélant ce sentiment de déshérence et d’abandon propre aux déracinés. Pierre Ardouvin puise son inspiration dans une actualité qu’il façonne grâce à un imaginaire collectif décloisonné, libéré des obédiences de classe, de genre ou d’âge, a n que chacun y trouve un espace d’identi cation. Alliant culture quotidienne et références littéraires, il extrait des mots, des images et des objets de territoires pluriels.2 Pêle-mêle, il accueille des histoires de l’art, des bandes dessinées, des contes, de la poésie, du rock & roll, du cinéma, de l’enfance, du voyage. S’entremêle alors espace publique et espace domestique dont, en bon magicien d’Oz, il orchestre avec bonhomie et bienveillance ces questions d’utopies et d’altérités.
Les œuvres accueillies au sein de l’exposition «Hôtel de l’Univers» sont suspendues dans un espace-temps indé ni. On y croise au détour des propositions de l’artiste les fantômes du facteur Cheval, de Houellebecq, de Ménelik II, Négus d’Ethiopie et de Rimbaud, poète exilé volontaire. Nonobstant la cruelle réalité du monde, Pierre Ardouvin af che cette signature intemporelle et personnelle qui a pour effet de panser les plaies de notre quotidienneté ; son baume a pour nom Poésie. «Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ; mon paletot aussi devenait idéal ; j’allais sous le ciel, Muse ! Et j’étais ton féal ; Oh ! Là Là ! Que d’amours splendides j’ai rêvées ! »
Pierre Ardouvin est né en 1955, il vit et travaille à Paris. Un catalogue monographique de référence Eschatologic Park a été publié aux éditions Les Presses du Réel en 2010. Un livre aux éditions Villa Saint Clair est à paraître. Une exposition monographique au MAC/VAL (Vitry) est en préparation pour le printemps 2016. Ses œuvres ont aussi été exposées au Palais de Tokyo (Paris), au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à la Fondation Jumex (Mexico), au Mori Art Museum (Tokyo), au NMCA (Seoul) et sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées en France et à l’étranger.