Mystérieuse, prégnante, rémanente, telle est l’oeuvre de Misleidys Castillo Pedroso à qui nous consacrons cette troisième exposition monographique - après celles de New York en 2015 et de Paris en 2016 – avant que le Kunstforum de Vienne ne lui offre une salle dans son exposition « Flying High : Women Artists of Art Brut » en 2019.
Misleidys est née en 1985 non loin de la Havane, avec un déficit auditif sévère, tandis que son père quitte le foyer alors qu'elle est encore une toute jeune enfant. La petite fille présentant un retard dans son développement, sa mère la place à cinq ans dans une institution spécialisée. Mais à mesure que les symptômes de l'autisme se précisent, elle doit la quitter. Elle vit alors chez elle, dans un isolement social total, avant de commencer, un jour, à peindre puis découper des silhouettes de bodybuildeurs - parfois plus grands que nature - bientôt rejoints par des faunes, des démons, des organes, dont certains en coupe partielle. Cette peuplade finit par orner toutes les pièces de la maison.
Les languettes de scotch brun avec lesquels ils sont fixés sur les murs leur conférant comme une auréole surnaturelle.
Son entourage prétend même que Misleidys présente d'exceptionnelles capacités de voyance et de clairvoyance, héritage de sa mère, et qu'il n'est pas rare qu'elle soit surprise en train de « converser » par geste avec ses oeuvres.
Signe que celles-ci sont détentrices d'un pouvoir qui dépasse la seule fascination qu'elles exercent sur le regardeur.
Karen Wong, directrice adjointe au New Museum de New York, évoque au sujet de son oeuvre aussi bien la problématique du genre que la parenté formelle de celle-ci avec certains portraits de Francisco Clemente. Mais plutôt que de nous renseigner sur l'intention réelle de Misleidys, cette analyse met avant tout en lumière la question de la réception, centrale lorsqu'il s'agit d'évoquer des oeuvres d'art brut.