Une grande exposition qui porte un regard inédit sur l’histoire de l’art à réinventer. Cette saison, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) invite à une réflexion sur les enjeux liés à la « décolonisation du regard », et aux perceptions identitaires, esthétiques et culturelles à travers deux expositions : D’Afrique aux Amériques : Picasso en face-à-face, d’hier à aujourd’hui et Nous sommes ici, d’ici : l’art contemporain des Noirs canadiens, présentées en complémentarité.
D’Afrique aux Amériques : Picasso en face-à-face, d’hier à aujourd’hui étudie les transformations du regard porté sur les arts d’Afrique, d’Océanie et des Amériques depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Suivant les jalons de la vie de Pablo Picasso (1881-1973) et ceux de l’histoire, l’exposition explore l’étroite relation qui unit le maître espagnol avec ces arts en s’appuyant sur l’histoire des mentalités. Au fil du parcours, des artistes contemporains d’ascendance africaine s’inscrivent en contrepoint, multipliant les points de vue sur une histoire de l’art universelle à repenser.
Commissaire de l’exposition à Montréal, Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du MBAM, explique : « Ce projet m’interpellait, car il permet de raconter une histoire de la décolonisation du regard sur un siècle, celui de Picasso : l’artiste nait en 1881, soit un an avant l’ouverture du Musée d’Ethnographie du Trocadéro et quatre ans avant le partage de l’Afrique par les empires coloniaux européens à Berlin en 1885. Il meurt en 1973, juste avant la dernière décolonisation en Afrique, l’Angola en 1975. Ce siècle se déroule ici comme un livre quand l’émancipation d’un continent entier raconte l’émancipation des regards, d’appropriations en réappropriations.
« Comment un objet ethnographique est-il devenu esthétique ? Comment un Picasso et un masque anonyme peuvent-ils s’exposer sur un même plan ? Quelles furent les étapes de cette “décolonisation du regard” au cours du dernier siècle jusqu’à nos jours ? À Montréal, le parcours raconte cette histoire du “musée des Autres”, héritage d’un monde colonial à sa redéfinition actuelle dans un monde globalisé. Privilégiant une approche transculturelle, j’ai voulu inscrire dans ce récit les artistes contemporains africains ou d’ascendance africaine. L’eurocentrisme culturel est à revoir dans une histoire de l’art à réinventer. Les frontières qui distinguaient les récits de la modernité s’entremêlent aujourd’hui, quand les artistes du monde affirment désormais leur identité transnationale. »
Le MBAM propose au public de poursuivre son parcours avec l’exposition Nous sommes d’ici, ici : l’art contemporain des Noirs canadiens, dont la visite est incluse dans le droit d’entrée. Initiée par le Musée royal de l’Ontario, cette exposition remet en question les préjugés sur la condition des Noirs au Canada à la lumière d’œuvres de 11 artistes contemporains, dont trois artistes montréalais, ajoutés à la présentation par le MBAM.