Pour sa deuxième exposition personnelle, Martin Ferniot présente une sélection de dessins et d'installations récentes au Studio de la Galerie Isabelle Gounod. Poursuivant une pratique de dessin mêlant hachures verticales et lavis d'aquarelle, l'artiste l'enrichit cette fois-ci d'un corpus de magazines, dont les couvertures se réfèrent à certains événements marquants du 20ème siècle. Fonctionnant en diptyque (chaque dessin est accompagné d'une couverture marquée d'un tampon réalisé par l'artiste) chacune de ses nouvelles oeuvres nourrit une réflexion sur la notion de temps et ses marqueurs, si chère à Martin Ferniot et déjà sensible dans sa première exposition personnelle à la galerie en 2017.
Il est en effet ici question de la valeur et de la portée d'un instant : comment l'événement devient symbole et marque un moment décisif de l'histoire collective ; comment ce même événement parvient à marquer le cours de la grande Histoire, mais également celui de nos vies, par le signalement d'un bouleversement politique, culturel ou technologique.
L'intentionnalité de ces processus de consécration, que l'image de presse porte et génère tout à la fois, est ici formellement retranscrite par l'inscription d'un sceau, un tamponnage à l'encre réalisé par l'artiste à l'aide de ses tampons-sculptures. Certaines de ces pièces font d'ailleurs partie de l'exposition (non pas celles ayant servi à marquer les couvertures mais de nouvelles, portant un motif inédit). Elles y sont présentées de telle manière que le spectateur peut en apercevoir la face cachée à l'aide de miroirs et éprouver ainsi physiquement la latence, l'attente que le geste de pouvoir les imprimer suppose.
La proximité d'événements reconnus comme mémorables (leur représentation en une des magazines tenant lieu d'archives) et de dessins plus équivoques, moins immédiatement identifiables et comme étrangers aux événements qu'ils coudoient, propose quant à elle une manière poétique de repenser notre rapport aux récits collectifs qui, parce qu'ils fondent encore aujourd'hui notre socle commun de références, continuent de nous rassurer quand tout est remis en question. Dès lors, le lien qui se tisse entre ses différents éléments ne saurait être tenu pour secondaire. Il est au contraire déterminant dans notre compréhension de l'oeuvre, qui s'articule nécessairement à partir du contexte précis qui nous est donné en regard de chaque dessin. Une manière pour Martin Ferniot de se jouer du temps et de subordonner la fin d'un récit tenu pour irréfutable, celui de l'événement historique que sa retranscription dans les journaux entérine, à la naissance d'un autre, plus intuitif et insouciant, qui est celui de l'imagination.