Dans son « Petit guide de conversation avec les extraterrestres » (2016), Finn Brunton remarque que la question de savoir comment les humains peuvent communiquer avec les extraterrestres est à la fois existentielle, sémiotique et technologique. « Quels principes fondamentaux de la vie et de la civilisation humaines devraient être transmis et quels médias nous permettraient de les transmettre ? » Il s’agirait donc notamment d’un problème d'encodage/décodage : un problème de média à l'échelle cosmique.
Quand nous pensons à cette communication interplanétaire, nous avons tendance à penser à ce qu'on appelle le « SETI passif » (Search for Extraterrestrial Intelligence), le processus d'écouter passivement des signaux en provenance de l’espace. Mais il existe quelque chose d’encore plus passionnant : l’ « Active SETI », le défi de nous signaler activement aux non terriens.
Dès la fin du XIXème siècle les astronomes Camille Flammarion et A. Mercier préconisent l’utilisation de la lumière et de l’électricité pour communiquer avec nos voisins extraterrestres. Mais c’est le visionnaire poète et inventeur Charles Cros qui théorise une véritable méthode de codage du contenu en flash lumineux. Il publie en 1869 « Étude sur les moyens de communication avec les planètes », où il développe une sorte de protolangage informatique de compression et transmission de signaux à l’échelle interplanétaire par la lumière. Il s’inspira des nouvelles méthodes de tissage et de broderie rendues possibles par les machines à cartes perforées de Jacquard (et qui inspireront l’ordinateur mécanique qu’imagine en 1834 le mathématicien britannique Charles Babbage).
Impulsions lumineuses, tissage, codage multimédia…ces précurseurs et visionnaires ouvrent la voie à une utopie de communication extraterrestre active dont le « Voyager Golden Record » représente sans doute l’un des derniers exemples : des disques en aluminium anodisé contenant des sons, images et paroles censés dresser un portrait de la diversité de la vie sur Terre, qui ont été embarqués à bord des sondes spatiales Voyager en 1977. Même si les chances que ces « bouteilles à la mer interstellaires » soient retrouvées restent extrêmement faibles, il est assez probable que ces disques constitueront peut-être l'ultime trace de notre existence terrienne, perdue dans l'espace.
Si le projet Apollo fut salué comme le début d’un âge d’or de l’exploration spatiale, qui aurait certainement ouvert la voie aux expéditions vers Mars, à une colonie lunaire et à l’exploration des frontières du système solaire, comme Stanley Kubrick l’avait représenté dans son film 2001 : l’Odyssée de l’espace, dès 1980 il devint évident que l’alunissage n’avait pas été le premier acte de la conquête spatiale, mais le dernier.
Depuis on a assisté plutôt à la présence de plus en plus importante de robots sur la surface de Mars : les machines ayant occupé l’espace imaginatif humain avec leurs données analytique.
Héritier de cette tradition et en hommage à ces entreprises emblématiques de communication et d’exploration interplanétaires, les œuvres présentées à l’occasion de la deuxième exposition personnelle de Flavien Théry à la Galerie Charlot reposent la question de cet imaginaire spatial perdu.
Mon âme est comme un ciel sans bornes ; / Elle a des immensités mornes / Et d'innombrables soleils clairs ; / Aussi, malgré le mal, ma vie / De tant de diamants ravie / Se mire au ruisseau de mes vers. /// Je dirai donc en ces paroles / Mes visions qu'on croyait folles, / Ma réponse aux mondes lointains / Qui nous adressaient leurs messages, / Éclairs incompris de nos sages / Et qui, lassés, se sont éteints. /// Dans ma recherche coutumière / Tous les secrets de la lumière, / Tous les mystères du cerveau, / J'ai tout fouillé, j'ai su tout dire, / Faire pleurer et faire rire / Et montrer le monde nouveau. Extrait du poème de Charles Cros, Inscription, 1908.
Texte de Valentina Peri.