Delay la nouvelle série de peintures de Philippe Decrauzat nous porte à penser que son renouvellement esthétique est en marche, sans toutefois bousculer son vocabulaire, une histoire qu’il cultive depuis ses débuts. Si la forme demeure immuable, sa spatialité s’accommode d’un noyau central issu d’une même matrice. Son approche esthétique joue de cette ressemblance formelle chère à Heidegger s’interrogeant à propos de cette question fondamentale du genre humain à se structurer par sa temporalité et sa relation au temps. J’en veux pour référence la ressemblance que Decrauzat dévoile au sein de cette exposition où les 5 peintures offrent à la convoitise du spectateur des formats, certes différents, mais qui s’inscrivent dans une même logique, une ressemblance formelle saisie à différents moments. Le visible et l’invisible.
Il y a dans ses travaux une proximité évidente avec Maurice Merleau-Ponty et sa philosophie de la phénoménologie de la perception : le retour aux choses mêmes. Une rigueur extrême composée de 24 lignes en référence à ses dernières expositions. 24 lignes teintées de nuances de gris. Le blanc se fait noir, le noir vire au gris, le dégradé ouvre la voie à des effets contractés voire rétractés induisant une sorte de pulsation ralentie. Decrauzat ne s’éloigne que rarement de ses fondamentaux, l’image, le son, le film : le 24 images par seconde font partie intégrante de ces idiomes dans lesquels il distille son rapport au temps ; fraction de temps, 24 heures, notion symbolique, compte-rendu de l’espace et du monde vécus. Une histoire allégorique liée à la temporalité de son langage. Pas de gesticulation émotionnelle, il n’y a rien ici qui ramène au signe artificiel tentant de réduire ce langage à l’expression des émotions.
Delay se veut une histoire nouvelle qui flirte du côté du retard. L’artiste impose sa prose, un diktat assumé où il imagine que l’on est prêt à lire, regarder, expérimenter l’immédiateté de l’effet visuel. Il réveille en nous cette expérience qui remonte au sujet de l’oeuvre comme à une condition distincte sans laquelle il ne serait question de foyer de vérité. Sa vérité.