Suite à des expositions solos à Londres et à Toronto, plusieurs foires internationales d’arts contemporainsaux États-Unis et en Europe, Yoakim Bélanger est de retour à Montréal avec une exposition solo «Work in Progress». Il sera présenté à la Galerie LeRoyer (GLR24, rue Saint-Paul Ouest) du 26 octobre au 16 novembre 2017.
Alors, quelle est la différence entre cette exposition et les précédentes ? «Et bien, je viens tout juste d’avoir 40 ans», répond Yoakim en souriant.
Le cheveu fou, poivre et sel, le regard franc et direct, Yoakim Bélanger nous accueille dans son atelier. Loin de ressembler à un antre, cet immense espace très éclairé comprend une dizaine de tableaux en cours dispersés, un sofa, quelques sièges tachés de peinture, une machine à espresso et des plantes. Des pots d’acrylique, des croquis et des études sur papier s’accumulent et jonchent le sol et les murs. Le ruban adhésif vert, utilisé méthodiquementsur les œuvres, est recyclé et s’amoncelle de façon excessive sur un mannequin en plastique posé sur un piédestal. Ce qui en dit long sur les heures de travail effectuées dans cet espace. Des petites phrases positives sont inscrites ici et là sur les murs, tels des rappels à l’ordre: «Le bonheur c’est de continuer à désirer ce qu’on possède.»
On s’y sent bien, on a envie de tout scruter et de tout découvrir, on perçoit ici la créativité et le bouillonnement d’idées, mais toujours avec de l’ordre, une ligne directrice et un certain contrôle propres à Yoakim Bélanger.
Ce qui frappe chez cet artiste expérimenté, c’est son humilité et sa franchise. Qualités qui, avouons-le, ne vont pas forcément toujours avec le mot «artiste». Quand on le lui fait remarquer, Yoakim reconnaît qu’il faut sans cesse travailler sur l’ego, que la pire chose qui puisse arriver serait de devenir l’image de soi-même, rajoute-t-il.
L’exposition «Work in Progress» est constituée de visages. Des visages souvent sans regard, dépersonnalisés et universels à la fois. C’est la forme, le symbole, l’abstraction qui l’intéressent. L’œuvre reste ouverte et échappe à une représentation académique, faisant abstraction de l’âge, de la couleur de peau ou de l’origine. La charge émotive s’immisce grâce à l’hybridité du matériau, aux éléments graphiques et aux couleurs.
Le métal, matériau de prédilection dans l’œuvre de Yoakim, est d’apparence dure et froid, mais gravé, rouillé, il se transforme sous sa manipulation en «peau» qui absorbe, respire et vit.
La peinture, aux couleurs vibrantes et aux gestes expressifs, fait jaillir l’image sur le métal texturé, dévoilant l’essence de l’œuvre : la forme humaine entremêlée d’abstraction.
L’un des grands rebelles du septième art, David Lynch, se trouve encadré sur le mur de l’atelier, source de grande influence artistique pour Yoakim. Ainsi, on discerne dans l’ensemble du travail de ce dernier, l’empreinte du mystère, de l’onirique et de l’ombre, et l’exploration de ce que recèle vraiment l’âme humaine.
Dans cette nouvelle série «Work in Progress», les références à ces thèmes sont nombreuses. En passant par la mythologie - «Midas», «Oracle», ou par des sujets très contemporains et politiques - «Black Lives Matter», «L’homme qui brûle», le thème majeur est la métamorphose, tel un amphibien qui passe à une tout autre forme à l’âge adulte.
Ce n’est pas un hasard si l’œuvre centrale de cette exposition se nomme «Puberté». La jeune fille représentée semble porter en elle l’espoir de l’humanité, avec ses contradictions et ses beautés. Elle rayonne littéralement, apportant espoir et lumière au côté sombre omniprésent.
À ce stade de sa vie, Yoakim aborde la matière de façon plus décomplexée et recherche moins le côté fini et impeccable, acceptant l’aspect imparfait comme faisant partie intégrante du matériau. L’œuvre continuera ainsi à vivre et à bouger avec le temps, vivante et vraie comme un visage humain.
«Mes enfants et ma blonde aussi m’aident à garder les pieds sur terre», dit-il sans ambages, avouant qu’ils sont la clé de voûte de sa stabilité personnelle. Quand on est né sous le signe de la Balance, l’harmonie est un élément que l’on a tendance à rechercher. L’équilibre se trouve en jonglant avec travail et famille, ombre et lumière, abstraction et figuration, individu et ensemble commun. À la recherche de l’équilibre, encore et toujours.
Quarante ans? «Je quitte les blessures de l’enfance petit à petit. C’est comme si j’assumais davantage mes responsabilités, mon statut d’artiste. Je suis peut-être devenu adulte». Comme ses œuvres, Yoakim Bélanger est, lui aussi, un «Work in Progress».