Imaginez une énorme pelote barrant l’entrée du studio. Une boule impressionnante composée de fils de chanvre provenant de l’épiderme de nombreuses toiles disséquées par l’artiste. Une sorte de tissu épithélial qui donnait à cette sculpture force et sérénité. L’uniformité de la pigmentation apparentée à une peau laissait entrevoir une sorte de tissu conjonctif, un derme papillaire dense donnant à voir la profondeur de la peinture. Cette vision fut celle que je découvris en visitant Analia Saban pour la première fois. Une rencontre totémique. Economie du verbe et du geste. Au travers de cette sculpture Analia Saban édictait ses règles qui allaient devenir force de loi.
Détricoter, diviser, déconstruire, dénouer, démanteler, parfiler. Saban n’a eu de cesse de chercher son propre Graal en analysant au fil de ses créations ce que la peinture, sa peinture, devait être. Un questionnement qui l’implique certes, mais bien au-delà de la peinture, sculptures, dessins, photographies n’échappent pas à son analyse, voire à sa vindicte, en poussant les limites et les capacités de chaque médium tout en faisant siennes les répercussions idéologiques au-delà des genres et types de travaux concernés. The Warp and Woof of Painting, titre de sa présente exposition, n’échappe pas à la règle. Une expression empruntée au langage des métiers de lisse qui véhicule également une locution utilisée comme métaphore pour souligner une structure sur laquelle une chose d’importance est construite. Analia Saban nous dévoile au sein de cette exposition ses nouvelles propositions. Une mise en perspective de ce procédé de tissage démultipliée en petites peintures, de vrais bijoux, des trésors.
L’artiste s’exerce à nous montrer avec quelle dextérité elle joue à diversifier son oeuvre, soulignant l’intime proximité entre l’acte de tisser cette peinture acrylique en l’imbriquant dans la toile. Un exceptionnel travail où l’intelligence de la main se conjugue avec la sensibilité du créateur, les oeuvres ayant été réalisées sur un métier à tisser au sein de son atelier. De très jolis termes se rappellent à mon souvenir — navette, trame, bâton de cueillette, navette volante — des mots quasiment disparus avec l’ère industrielle, seuls les artistes ont encore ce pouvoir de l’évocation, Analia Saban est l’une d’entre eux.
Née en 1980 à Buenos Aires, Argentine, Analia Saban vit et travaille à Los Angeles. Après avoir reçu son B.F.A. en 2001 à la Loyola University, New Orléans, elle poursuit ses études à l’University of California, Los Angeles, où elle obtient son M.F.A en 2005. Très vite, le travail de l’artiste fait l’objet de nombreuses expositions personnelles et collectives, et ce, aussi bien en Amérique qu’en Europe. Ses expositions se succèdent dans des institutions muséales telles que le LACMA, Los Angeles (2014-2015), Museum of Contemporary Art, Oslo (2014-2015), Rubell Family Collection Contemporary Art Foundation, Miami (2015-2016), ou encore le Georgia Museum of Art, Athens (2016), pour ne citer qu’eux. Il y a quelques mois, elle a également investi le Blaffer Art Museum (Houston) qui lui consacra une exposition personnelle. Après avoir remporté en 2009 le prix Durfee Foundation ARC, Analia Saban est désignée l’année suivante Lauréate du City of Santa Monica Artist Fellowship. Aujourd’hui, ses oeuvres sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques, dont le Hessel Museum of Art, Bard College, Annandale-on-Hudson ; Hammer Museum, Los Angeles ; MOCA, Los Angeles ; Norton Museum of Art, West Palm Beach ou encore le LACMA, Los Angeles.