La Galerie Marian Goodman a le plaisir d’annoncer une exposition des nouvelles œuvres de Sabine Moritz. A cette occasion sera publié un catalogue en deux volumes, comprenant plus de soixante-quinze reproductions, une conversation entre l’artiste, Etel Adnan et Hans Ulrich Obrist ainsi qu’un poème d’Etel Adnan.
Dawn rassemble de nouvelles peintures à l’huile et pour la première fois, une série de peintures abstraites.
Pour Sabine Moritz la réalisation d’une peinture est un processus qui s’inscrit dans la durée. Ainsi il n’est pas rare qu’elle interrompe l’élaboration d’un tableau pendant des mois, voire des années. Elle confie d’ailleurs: « Je construis, j’ajoute, parfois j’efface, puis je rajoute. Je regarde mes peintures très longtemps, et alors, je vois qu’il faut que je rajoute ou change quelque chose. Mais enfin, je les conclus.»
Sabine Moritz réalise souvent deux peintures à partir d’une même inspiration. Avec Ville Fantôme 1 et Ville Fantôme 2, elle a utilisé une photographie parue dans la presse à la suite de la catastrophe de Fukushima. Si les deux versions représentent un chien dans une ville abandonnée, la seconde se distingue par un cadre plus resserré et une touche plus dense. Paradis (Ile de la Déception 2) et Crépuscule traitent d’un sujet très similaire : un navire au large d’un paysage de montagnes, mais de nouveau la palette de couleurs et le traitement diffèrent.
Ces peintures sont empreintes de tranquillité et dégagent un sentiment de mélancolie et d’attente. Pour la critique Christine Mehring la suspension du temps est une force majeure de l’art de Sabine Moritz : « le temps réel est suspendu pour les personnages de Moritz, de même qu’il l’est pour celui qui regarde l’œuvre et pour l’artiste en train de la réaliser. »
Les fleurs, en particulier les roses et les lys, figurent parmi ses thèmes de prédilections. « Je dessine et je peins souvent les fleurs qui se trouvent dans mon atelier. La peinture de ces fleurs est une représentation du présent, dans lequel on se surprend à penser à des époques lointaines, peut-être à la manière d’un rêve éveillé. » Deux pivoines et Orchidée sont pour la première fois accompagnées de deux « vanités ».
L’exposition compte également un ensemble exceptionnel d’œuvres sur papier dont la série Tempête, dédiée à une cabane abandonnée. Cette petite maison, Sabine Moritz l’a photographiée lors d’une promenade dans les environs de Munich avant de la fixer au graphite sur papier. Une dizaine d’années plus tard, elle a reproduit ce dessin grâce à la technique de la lithographie, chaque tirage devenant un support qu’elle a rehaussé de couleurs.
Ce procédé lui a ainsi permis de créer de multiples versions qui traduisent des variations de l’environnement, de la lumière et de l’atmosphère qu’elle a imaginées. L’itération du même motif est fréquente dans la pratique de Moritz, comme en témoignent ses précédentes études sur les hélicoptères ou les navires de guerre. Ainsi dans son œuvre une même image semble n’être jamais figée. La variation sur un même thème peut être vue comme une tentative de contrer la dissipation d’un souvenir. Ici, la cabane revêt la dimension symbolique de réceptacle de la mémoire.
Hans Ulrich Obrist souligne que « le travail de Sabine est en relation très étroite avec la mémoire, et s’enracine aussi dans sa propre mémoire. ». La nouvelle série Laboratoire est une fascinante et minutieuse exploration d’un lieu fictif lié à ses souvenirs de jeunesse. Les dessins poursuivent un cycle réalisé en 1993 portant le même titre, dans lequel Sabine Moritz s’attachait à recréer plus précisément le laboratoire où son père, chimiste, travaillait lorsqu’elle était enfant et où il fut victime d’un accident mortel. Au sujet des nouveaux dessins Sabine Moritz précise : « J’essaie d’imaginer différentes pièces. Ces pièces n’existent pas réellement, mais je les situe, dans mon esprit, autour de la pièce où travaillait mon père.(…) La pièce semble plutôt vide, avec des surfaces et des objets étranges. »
Le style des dessins est néanmoins proche de celui du cycle réalisé plus d’une vingtaine d’années auparavant.
Dans les deux séries « les dessins présentent un contraste absolu entre les différents éléments, couleurs séduisantes et blanc cassé, menus détails et lacunes, précision et flou, zoom et coupure de l’image, visible et invisible, présence et absence, information et manque d’information. Les espaces et objets environnants – becs Bunsen et éprouvettes, éviers, robinets et carrelage, porte et fenêtres- évacuent la brutalité de l’accident dont Moritz sait si peu de choses. En ce sens ce groupe d’œuvres transcende résolument l’histoire personnelle qui l’a inspiré. »
Sabine Moritz est née en 1969 à Quedlinburg, entre Hanovre et Leipzig en Allemagne (ex RDA). Enfant, elle habite à Lobeda près d’Iéna puis, avant le Chute du mur de Berlin, elle émigre avec sa famille en Allemagne de l’ouest. Cet événement sera vécu comme un exil. Elle vit d’abord à Darmstadt, puis à Offenbach et à Düsseldorf où elle étudie respectivement à la Hochschule für Gestaltung et à la Kunstakademie. Sabine Moritz vit et travaille aujourd’hui à Cologne.
Des expositions personnelles lui ont été consacrées en Allemagne, en France et au Royaume Uni. En 2013 elle expose à la Foundation de 11 Lijnen à Oudenburg en Belgique. Plusieurs catalogues de son travail sont publiés chez Verlag der Buchhandlung Walter König et Heni Publishing.