Dans l'article précédent Zénon d'Élée - Considérations de Pierre Bayle dans le Dictionnaire historique et Critique. 1ère partie on est venu à la thèse selon laquelle si la matière est divisible à l'infini le mouvement n'est pas possible. Bayle poursuit son exposé de la pensée de Zénon à travers l'explication de trois paradoxes, qui nous allons à montrer.
1ère Paradoxe: si une flèche qui tend vers un certain lieu se bougeait elle serait ensemble en repos et en mouvement. Or cela est contradictoire, donc elle ne se bouge pas. Pour comprendre ce raisonnement on doit réfléchir sur le fait qu'à chaque moment la flèche est dans un espace qui lui est égal. Elle y est donc en repos; car on n'est point dans un espace d'où on sort: il n'y a donc point de moment où elle se meuve; et si elle se mouvait dans quelques moments, elle serait tout ensemble en repos et en mouvement. Or une fois établi que le temps présent est indivisible, il sera impossible de trouver l'instant où la flèche sort de sa place, s'il y avait un instant dans lequel elle se meuve elle serait en même temps dans cette place et elle n'y serait pas. Mais ceci est contradictoire.
2ème Paradoxe. S'il y avait du mouvement, il faudrait que le mobile pût passer d'un lieu à un autre, le lieu d'où on part, et le lieu où l'on arrive. Or ces deux extrémités sont séparées par des espaces qui contiennent une infinité de parties, vu que la matière est divisible à l'infini. Il est donc impossible que le mobile parvienne d'une extrémité à l'autre. Le milieu est composé d'une infinité de parties qu'il faut parcourir successivement les unes après les autres, sans que jamais on puisse toucher celle de devant en même temps qu'on touche celle qui est en deçà: de sorte que pour parcourir un pied de matière il faudrait un temps infini, car les espaces qu'il faut parcourir successivement entre ces deux bornes étant infinis en nombre, il est clair qu'on ne peut les parcourir que dans une infinité de moments.
3ème Paradoxe. C'est l'argument qu'on nommait "Achille", il a le même fondement du second. Il tendait à démontrer que le mobile le plus rapide poursuivant le mobile le plus lent, ne pourrait jamais l'atteindre. Tous les deux, de toute façon, veulent démontrer qu'il n'est pas possible de passer d'un lieu à l'autre. Supposons une tortue à vingt pas devant Achille et limitons la vitesse de ce héros à la proportion d'un à vingt. Pendant qu'il fera vingt pas la tortue en fera un: elle sera donc plus avancée que lui. Pendant qu'il fera le vingt-et-unième pas elle gagnera la vingtième partie de vingt-deux, et pendant qu'il gagnera cette vingtième partie elle parcourra la vingtième partie de vingt-et-unième partie et ainsi de suite. En vérité, toute distance divise deux corps, quelque petite qu'elle puisse être elle aura toujours une infinité d'espaces intermédiaires.
Dans le prochain article, le 29 Février, nous montrons que Bayle tire des conclusions à partir de laquelle il est possible de préfigurer la théorie kantienne des antinomies dans l’analyse de paradoxes de Zénon.
Vous pouvez également lire: 1ère partie: http://wsimag.com/fr/culture/18804-zenon-delee