Paola de Pietri est une figure majeure dans le panorama de la photographie italienne. Outre ses récentes collaborations a Fotografia Europea de Reggio Emillia et aux grandes expositions de Linea di Confine pour lesquelles elle a réalisé plusieurs commandes territoriales, Paola de Pietri a participé ces deux dernières décennies à de nombreuses expositions sous l'égide des principales institutions italiennes et européennes dédiées à la photographie et à l'art contemporain . Pour sa série To face, elle a reçu le prestigieux prix Albert Renger-Patzsch en 2009 et bénéficié de plusieurs expositions monographiques dont une au MAXXI de Rome. En France, elle a récemment exposé au CPIF de Pontault-Combault et au Musée de l’Image à Epinal.
Parallèlement à ses dernières séries Istanbul New Stories, qui s’attache à témoigner des transformations subies par les faubourgs d’Istanbul, et To Face révélant les stigmates de la Première Guerre mondiale sur le paysage des Alpes italiennes, Paola de Pietri s’est à nouveau penchée sur un paysage sur lequel elle a souvent travaillé et qui lui est très familier : la plaine du Pô, autour de Reggio Emilia. Pour cette série inédite, Questa Pianura (2014 –2015), elle a arpenté cette vaste plaine, celle de son enfance, où elle vit toujours et qui reste un territoire agricole même s’il a subi des transformations drastiques ces cinquantes dernières années – entre restructuration agraire et développement périurbain intensif.
Pour donner à voir ce “plat pays” (Questa Pianura) elle a portraituré ce qui le peuple encore : les vestiges d’anciennes fermes et quelques arbres solitaires qu’elle a choisi de documenter par de grandes images aux élégantes nuances de gris. Ce vaste paysage à l’horizon infini semble ainsi hanté par l’histoire des hommes et d’un temps révolu qui nous sont contés au travers de ces architectures délaissées. En contrapposto, pour mieux marquer l’éphémère face au pérenne : quelques images couleurs de la nature en friche ou en champs viennent rythmer le corps du travail.
“C'est la plaine du fleuve Pô. Ce paysage, je le connais depuis toujours et les changements qu’il a subi sont étroitement liés au développement économique d'après-guerre.
Dans ce projet se mêlent et se croisent, deux séries de photographies :
L’une en grand format noir et blanc représente des arbres et des fermes désormais inhabitées et pour la plupart en ruine. Leur agencement dans l’espace n’est pas aléatoire, il révèle leurs anciennes fonctions agricoles, économiques et sociales qui existaient il y a encore une quarantaine d’années.
A ces images totémiques d’arbres et de maisons sont juxtaposées des images couleurs de plus petit format : de rivages, d'herbes, de cultures, d’oiseaux, de fleurs sauvages etc. où la perception de la plaine est liée à une dimension sensorielle, vitale, désordonnée, atmosphérique et au cycle de la nature.
Je perçois désormais ces paysages comme les fragments d’un discours dont il n’est plus possible de retrouver le sens, même si la disparition, la perte et la ruine sont évidentes. Les arbres, privés de leur fonction, se développent non plus dans une perspective utilitaire mais de nouveau selon leur ancrage naturel et originel.”