Figure centrale de la photographie brésilienne contemporaine, Caio Reisewitz (né en 1967 à São Paulo, Brésil) n’a de cesse d’interroger la relation ambigüe entre l’Homme et son environnement.
Ses paysages urbains ou naturels mettent en exergue les contradictions du Brésil, pris en tenaille entre une aspiration à préserver un patrimoine environnemental exceptionnellement riche, et une volonté de croissance exponentielle. Caio Reisewitz s’attache à capturer l’image d’une beauté fragile, celle d’une nature intacte, d’un Eden mis en péril par la déforestation, l’exploitation pétrolière, l’expansion des agglomérations.
Soucieux de témoigner d’un mouvement qui semble inexorable, l’artiste s’est intéressé tout à la fois à l’héritage colonial, aux réalisations architecturales modernistes du XX° siècle, comme aux forêts tropicales. Mais si Caio Reisewitz entend « documenter » le Brésil tel qu’il est aujourd’hui, son travail est à l’opposé d’un inventaire photographique purement objectif... D’abord parce qu’à l’évidence, il compose ses images avec le regard d’un peintre attentif à la construction de ces dernières, comme à un certain idéal esthétique qui passe notamment par la couleur. Aussi parce qu’il intervient directement sur les photographies, notamment à travers une pratique du collage à travers laquelle il insère par exemple un paysage urbain au beau milieu d’une jungle luxuriante.
Ainsi ses photographies posent-elles la question du vrai et du faux, du naturel et de l’artifice, du reflet de la réalité et de l’interprétation de l’artiste. Les collages, lui permettent de produire des visions quelque peu chimériques, villes surgies de nulle part au milieu de la forêt ce qui ne va pas sans évoquer la façon même dont certaines grandes villes brésiliennes (Brasilia, pour citer la plus connue) ont été édifiées de toutes pièces au milieu d’espaces vierges.
La force du travail de Caio Reisewitz nait de ces paradoxes : convoquer les images de l’harmonie et du chaos sans établir de hiérarchie entre-elles, parvenir à faire surgir une forme de poésie aux antipodes de la réalité.
Françoise Claire Prodhon