Les galeries Marian Goodman de Londres et de Paris ont le plaisir de présenter simultanément deux expositions de John Baldessari. Pictures & Scripts, première exposition personnelle de l’artiste à Londres depuis sa rétrospective en 2009 à la Tate Modern, présente ses nouvelles œuvres. En parallèle, la galerie de Paris propose Early Work, une exposition d’un ensemble exceptionnel de ses œuvres réalisées entre les années 1960 et la fin des années 1990.
La série Pictures & Scripts comprend vingt nouvelles peintures qui juxtaposent images de films en noir et blanc et extraits de scénarios de films fictifs. Extraites de leurs contextes d'origine, ces images réappropriées capturent des moments d’action suspendues dans le temps, certaines parties ont étés sélectionnées et discrètement recouvertes de peinture monochrome. Des extraits de dialogues entre des personnages inconnus se réfèrent à des conversations entre initiés du monde de l’art, dévoilant de manière ironique l’aspect commercial de l'industrie de l'art. L’origine de ces diptyques remonte aux premières expérimentations de Baldessari alliant textes et images créées dès le milieu des années 1960, dans lesquelles des phrases théoriques sur l'art contemporain venaient occuper l’espace vide de la toile. L'une de ces peintures intitulée Space (1966-68) est d’ailleurs présentée dans l'exposition de Paris.
Les images de films utilisées dans Pictures & Scripts sont recadrées afin d’intensifier leur ambiguïté, isolant volontairement certains rôles archétypaux du cinéma comme celui du cow-boy, du gangster ou de l’ingénue. En privant ces derniers de leur contexte, le visiteur est à même d’imaginer de nouvelles narrations. Le texte qui constitue la moitié du diptyque est, tout comme l’image, un fragment d'un dialogue plus long isolé de son contexte. Texte et image sont présentés sur un pied d'égalité, sans hiérarchie, de sorte que l'essence de l’œuvre réside dans la rencontre des deux. L'agencement des mots et des images fait l’objet d’un intérêt constant depuis les années 1960 chez Baldessari, pour qui « un mot pourrait être une image, une image pourrait être un mot, ils pourraient être interchangeables ».
Peintre à l’origine, Baldessari a commence à expérimenter l’utilisation du texte et de la photographie dès le milieu des années 1960, sa pratique se diversifie dans les années 1970 avec la réalisation d’estampes, de films, de sculptures et d’installations. Son travail démontre et révèle le potentiel narratif des images et leur capacité de s’associer au langage, ce que l’on peut observer dans la sélection de pièces majeures de l’exposition Early Work à Paris.
Cette présentation comprend des œuvres issues de différentes séries parmi les plus connues telles que National City, Commissioned Painting, Thaumatrope, Strobe/Futurist, Portrait ou encore la série Goya offrant un panorama rétrospectif unique de son travail. Certaines œuvres comme Study for Econ-O-Wash (Version B), 1967 n’ont été montrées qu’à de très rares occasions. Bird #1, 1962, l’œuvre la plus ancienne de l’exposition, représente un oiseau en train de tomber passant dans le champ du tableau. Exemple de l’effet dramatique obtenu par la fragmentation d’une image, l’oiseau a été coupé d’une manière cinématique pour suggérer sa chute dans le vide. La pièce appartient à un groupe de peintures qui a échappé à la destruction, lorsque le 24 juillet 1970 Baldessari décide de mettre en scène la crémation de 125 de ses œuvres, pour la plupart des peintures à l’huile réalisées entre 1953 et 1966.
Quelques années après avoir affirmé «Je ne ferai plus d’art ennuyeux », Baldessari conçoit The Artist Hitting Various Objects with a Golf Club, 1972-73, constituée de trente photographies de l’artiste en train de frapper avec un club de golf dans des objets récupérés d’une décharge. L’œuvre s’apparente plus à une parodie de nomenclature qu’à une classification rigoureuse.
Various Identities Hidden With Name/Date Cards de 1974 fait écho à Artist’s Identity Hidden with Various Hats illustrant ici la récurrence dans le travail de l’artiste du portrait au visage caché par des objets variés ou bien masqué par des pastilles de différentes couleurs. Pour Baldessari dans une image les visages éclipsent tout autre élément et « si l’art est un mystère, alors les visages sont des traîtres et doivent être dissimulés. »
Les références à l’histoire de l’art sont fréquentes dansson œuvre , comme en témoignent les œuvres The Mondrian Story (Version # 2) , 1972-73 et Strobe Series/Futurist: False Bird Path Of Flight (For Balla) #2, 1975. Early Work inclut aussi une peinture de la série Goya (Goya Series: THIS, THAT, OR THE OTHER, 1997) qui associe des images en noir et blanc d’objets de la vie quotidienne à des titres provenant de la série de gravures du 19e siècle de Francisco Goya Les Désastres de la guerre.
John Baldessari est né en 1931 dans la ville de National City, en Californie et vit et travaille aujourd’hui à Santa Monica. Son travail a été présenté lors des 47e et 53e Biennales de Venise (1997 et 2009) où il a remporté en 2009 le Lion d'Or pour l'ensemble de son œuvre ; à la Carnegie International (1985-1986), à la Biennale du Whitney (1983), ainsi qu’à Documenta V (1972) et VII (1982). En 2005, une grande rétrospective, déployée en deux parties, lui a été consacrée au Musée Kunst Stiftung Ludwig Moderner de Vienne et au Kunsthaus Graz de Graz. Récemment, l'artiste a présenté ses œuvres dans des expositions individuelles à la Fondazione Prada de Milan (2010) et au Stedelijk Museum d’Amsterdam (2011). Le travail de Baldessari a fait l'objet de la grande rétrospective, Pure Beauty, qui retrace sa carrière de 1962 à 2010. Organisée par la Tate Modern de Londres, l'exposition a voyagé au MACBA de Barcelone ; au LACMA de Los Angeles et au Metropolitan Museum of Art de New York de 2010 à 2011.
John Baldessari a reçu de nombreux prix prestigieux, dont le Kaiserring Award en 2012 par la ville de Goslar en Allemagne et le Prix de la biennale pour l’Art Contemporain du Bonnefantenmuseum de Maastricht en 2008.