La galerie Ceysson & Bénétière a le plaisir d'annoncer The rich hour, une exposition individuelle des œuvres de Wallace Whitney. L’exposition présentera une sélection de compositions abstraites toutes en mouvements et couleurs, construites par couches successives de touches, d'entailles et d'empâtements à l'huile et à l'acrylique, le plus souvent appliquées sur une peinture encore humide. Whitney se sert de pigments et de châssis fabriqués à la main, et applique ses couleurs avec des outils improvisés : pinceaux larges, raclettes, draps imbibés de peinture laissant de grandes traces en mouvement sur la toile, mais également pochoirs et peinture en spray.
Pour concevoir ses œuvres, Whitney s’inspire de diverses influences picturales allant de Cy Twombly et ses traces intuitives empreintes d’histoire, à Joan Snyder et sa gestuelle engagée, en passant par les idéaux marxistes et l’esprit de guérilla des expositions de peinture abstraite des artistes du mouvement Supports/Surfaces. Pour Whitney, la création artistique ne se limite pas à une pratique solitaire mais repose sur le dialogue et le partage avec d'autres artistes. La peinture est pour lui un acte politique et un espace essentiel d'exploration d’idées. Chaque marque et touche de couleur est soigneusement réfléchie, chargé ou non de sens, invitant le spectateur à une expérience visuelle porteuse d’un plaisir à la fois intellectuel et formel.
Le processus créatif de Whitney est lent et réflexif, et consiste en l’accumulation progressive de couches de peinture, chaque œuvre se développant ainsi à son propre rythme. C’est à dessin qu’il favorise un temps d’observation long, laissant la composition émerger naturellement au fil des semaines et des mois. La première marque reste souvent visible à côté de la dernière, transformant ainsi la toile en un véritable témoignage de sa propre genèse, et révélant les choix comme les absences de choix de l’artiste. Ces différentes strates picturales font cohabiter de grands contrastes de couleurs et de gestes, évoquant différents rythmes et états d’âme. Whitney conçoit ces couches comme des écrans translucides, permettant au spectateur d'entrevoir une teinte au travers d’une autre : l'orange à travers le bleu, le vaporeux sur de l’opaque, ou encore l'agressivité flirtant avec la tendresse. L'espace pictural qu'il construit est comme un espace navigable, fait de gestes et de formes qui non seulement guident le regardeur, mais ouvrent également à de nouvelles perceptions en modifiant son regard.
Pour Whitney, chaque peinture comme une expérience unique. Il aime à varier les formats et les palettes de couleurs au lieu de produire des séries d’œuvres uniformes. Ainsi, les dernières productions montrées dans le cadre de cette exposition incluent de grandes compositions de 229 x 193 cm, mais aussi des toiles rondes de petits formats, des monotypes et des formats portrait (une première pour l'artiste). Whitney conçoit ces variations de format comme s’il s’agissait de textes de longueur différentes—l’écriture étant une pratique à laquelle il s’adonne depuis des décennies, en parallèle de son travail d’atelier. Ses grandes toiles sont alors des sortes d’essais où se superposeraient ratures et réécritures, comme dans l’œuvre Violet sunday, 2025 par exemple, où des volutes de brun chocolat débordent sur des touches vaporeuses couleur lavande, tandis que des marques anguleuses d'un bleu profond viennent structurer des aplats de couleur sans cela informes. Ses œuvres de petit format, en revanche, fonctionnent comme des fragments. Dans Tappan Zee, 2025 des tranches de vert phtalo contrastent avec des jaunes, des bleus et des marrons atmosphériques qui rappellent des vues fragmentées vues à travers une structure artificielle.bordeaux.
Les productions récentes de Whitney s’inspirent de l’environnement et du paysage autour de son domicile, situé près d’un chantier naval du Bronx, en périphérie de la ville. Les balades sur les quais et l’unicité de ce cadre sont des éléments constitutifs de son travail. Inspiré par des artistes aux sensibilités ancrées dans un territoire spécifique, Whitney conçoit ses peintures comme des archives perceptives et expériencielles. À travers ses surfaces hautes en contrastes et ses explorations tactiles de la densité et de l’évanescence, de la lourdeur et de la légèreté, il offre une expérience du regard où la peinture se révèle progressivement.
Wallace Whitney (né en 1969 à Boston, MA) vit et travaille à New York. Son œuvre a fait l'objet d'expositions individuelles à la galerie Ceysson & Bénétière (New York, Saint-Étienne, Paris, Genève), ainsi qu’à Soloway (Brooklyn), American Contemporary (New York) et Horton Gallery (New York). Il a enseigné à l'Université du Tennessee (Knoxville) et à la Tyler School of Art and Architecture (Philadelphie). Il a également assuré le commissariat des expositions Unfurled: supports/surfaces 1966–1976 au Museum of Contemporary Art de Detroit (2019) et Feed the meter, vol. I et II à la galerie Ceysson and Bénétière (Wandhaff, Luxembourg, 2015 et 2018). Co-fondateur de la galerie Canada, il a obtenu son BA auHampshire College en 1994 et son MFA au Bard College en 2001.
(Texte de Ashton Cooper)