Transformer le monde, a dit Marx. Changer la vie, a dit Rimbaud. Ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un.

De ces deux volets du programme surréaliste, seul le second aura peut-être été réalisé. Mais quand bien même il ne l’aurait pas été, ou qu’il ne l’aurait été que partiellement, ces deux mots d’ordre entretiennent et portent jusqu’à nous la vitalité d’une même croyance : l’idée que le langage serait capable d’agir sur les choses – ce qu’on peut appeler sa performativité.

Tracts, appels, adresses, manifestes, envois, poésie, essais : le surréalisme est une bibliothèque agissante, qui se veut en prise sur le fracas et le fatras du monde, ouverte à tous les vents d’une vie qu’on aimerait plus dense et plus intense – « une vie poétique » écrit Aragon dans Le paysan de Paris, « la vie réelle » lance Breton en ouverture du Manifeste.

Cent ans après la publication de ce texte fondateur, la présente exposition s’emploie à déballer la bibliothèque surréaliste, en la faisant dialoguer avec des œuvres visuelles d’hier et d’aujourd’hui, qui s’accordent à miser sur la performativité des formes pour agir sur la sensibilité et réinventer notre présence au monde.

On passe sa vie ici à faire du surréalisme.

À l’origine comme au cœur de cette opération, se trouve une bibliothèque réelle, celle de Simone Collinet, à qui cette exposition rend hommage. Née Simone Kahn en 1897, épouse d’André Breton de 1921 à 1929, militante politique d’extrême gauche dans les années 1930, aux côtés de Michel Collinet qu’elle épouse en 1939, galeriste à Saint-Germain des Prés de la fin des années 1940 au milieu des années 1960, Simone Collinet incarne et traverse la grande aventure surréaliste, sous ses trois principaux aspects : poétique, politique et visuel.

L’exposition vise à retracer et réactualiser cette aventure, en réunissant trois types de pièces : un ensemble d’œuvres et documents en provenance du surréalisme et de ses environs (ascendance, marges et ramifications diverses) ; des œuvres d’artistes contemporain·es s’inscrivant en quelque manière dans le sillage du surréalisme ; une production d’ephemera à emporter, tracts, flyers et papillons, venant réactiver le corpus et le projet surréalistes.

L’ensemble se déploie à travers un parcours conçu autour de cinq lieux, qui nous conduit du public à l’intime, du dehors au dedans, de la lumière à la pénombre : au rez-de-chaussée, la Rue et la Galerie ; à l’étage, la Bibliothèque, le Musée et le Cabinet.