La Haute-Savoie, terre des cimes, regorge des exploits des hommes qui ont escaladé les plus hauts sommets. Il n’est pas rare d’y rencontrer des alpinistes et des randonneurs du monde entier qui y viennent pour se mesurer à leurs propres limites. Le pays des Savoyards est un condensé de paysages surprenants et de vues panoramiques uniques. Son plus haut sommet, le Mont Blanc, reste aujourd’hui encore l'un des sommets les plus difficiles à atteindre. Depuis le début du dix-neuvième siècle, il est devenu le passage obligé des alpinistes qui veulent se dépasser. À Chamonix, on se souvient encore du 14 juillet 1808. Marie Paradis réussit ce jour-là un exploit, l’ascension du sommet le plus haut d’Europe, avec le soutien de Jacques Balmat, le premier homme à avoir gravi le Mont Blanc en 1786.
Dans Les liaisons périlleuses, la romancière Frédérique-Sophie Braize s’appuie sur ce premier exploit historique pour raconter les destins croisés de deux femmes qui vont marquer l’Histoire par la conquête du Mont Blanc. L’auteure savoyarde a fait de son terroir le décor de ses fictions. Elle y dévoile la richesse linguistique et culturelle à travers des voix féminines libres et courageuses. Elle a récemment publié aux Presses de la cité, L’amour aux trousses, un récit qui met en scène une nouvelle héroïne savoyarde.
Vous souvenez-vous du premier jour où vous avez décidé de prendre la plume ?
Oui. C’était le jour de mes quarante ans. Mon fils avait douze ans. Je voulais lui laisser une trace de nos racines alpines alors que nous vivions dans le sud-ouest de la France à l’époque. Il est né sur les rives du Léman, comme moi. Un pied dans le lac, un pied en montagne. Ces notes - provenant en partie des souvenirs de ma grand-mère adorée - ont évolué en un texte dans lequel j’ai ajouté des éléments de fiction quand il y avait des zones d’ombre. Jusqu’à devenir mon premier roman intitulé Paysannes de montagne, publié aux éditions Lucien Souny en 2015.
Quels sont vos autrices ou vos auteurs de prédilection ?
Ceux avec lesquels j’ai appris à lire : La comtesse de Ségur, Marcel Pagnol. Et plus tard, ceux qui parlaient ouvertement de ce que je subissais et que je n’osais évoquer en public, comme Hervé Bazin avec Vipère au poing. Une vraie libération.
Votre ancrage est souvent historique, quel est votre rapport au passé ?
Mon rapport au passé est festif dans la mesure où j’ai bénéficié d’une transmission orale de l’ancien temps lors des veillées grâce à mes grands-parents. Fille unique d’un alpiniste, j’ai vécu dix ans chez eux. Ils avaient plus de soixante ans à ma naissance. Ma grand-mère venait d’une famille de dix-huit enfants. Chacun ayant fait sa vie, imaginez le nombre de belles-filles, de sœurs, de tantes, de belles-sœurs et de cousines autour de moi qui n’avais pas de fratrie !
Ma famille était une source inépuisable de récits du passé, assortie de contes et légendes, de chants traditionnels. Une chanson de geste répétée et joyeuse, diffusée d’une personne à l’autre, jusqu’à moi, alors gamine.
Quelles sont vos sources d’inspiration pour créer des femmes déterminées et avant-gardistes ?
En ce qui concerne mon roman Les liaisons périlleuses (éd. Presses de la Cité), ce sont deux femmes ayant véritablement existé. Alors que je m’intéressais au rôle joué par les femmes en montagne, j’ai réalisé que les noms de celles qui ont accompli des prouesses ont été oubliés, voire effacés des livres d’alpinisme. J’ai eu envie de leur rendre leur juste place en restituant les vrais visages de deux pionnières. Elles se sont frottées à des célébrités prêtes à tout pour minimiser leur exploit qui a pourtant marqué l’Histoire : la conquête féminine du Mont-Blanc. De quoi bousculer les clichés sur la place des femmes dans la société, souvent cantonnées au rôle d’épouse de, ou sœur de.
Quitterie d’Arcy, comtesse française établie à Genève, et Pernette Croz, fille d’auberge à Chamonix, sont librement inspirées d’Henriette d’Angeville et de Marie Paradis, deux pionnières. Tout les sépare, et pourtant, leurs sorts sont liés par des nœuds serrés. Quand elles se rencontrent à la Mer de Glace en 1838, commence un jeu intrigant avec de vigoureux guides. Car Quitterie nourrit un projet fou : être la première femme alpiniste. Malgré les railleries et les obstacles, elle se lance à l’assaut du Mont-Blanc avec le soutien du séduisant Gabin, seul guide à la croire capable d’accomplir cet exploit.
L’amour aux trousses est votre dernier roman, quelle en est l’intrigue ?
Fondé sur des faits réels, ce roman révèle un pan méconnu de l’Histoire. En 1917, des centaines de Savoyardes - recrutées par les élites slaves pour leur maîtrise du français - sont ballotées dans les fracas de la Révolution russe. En 1914 commence une aventure hors du commun pour Vitaline et d’autres Savoyardes.
Vitaline découvre les splendeurs du palais impérial de Saint-Pétersbourg, connaît ses premiers émois avec le grand-duc Vadim, puis les prisons de Lénine. De retour en France, devenue une brodeuse prisée par la maison Chanel, elle ne peut oublier son amitié avec Flore qu’elle a le sentiment d’avoir abandonnée, là-bas. Suivant les volontés de la jeune femme, elle va à la rencontre du « bel Hugo », chasseur alpin qui a survécu à la Grande Guerre. Mais le destin lui réserve encore des surprises…