Pour son retour à la Galerie Templon, le peintre Philippe Cognée, célèbre pour ses toiles floutées à la cire, opère une mue radicale. Après les supermarchés, les autoroutes, les tours ou les abattoirs, il s’empare du thème de la fleur, qu’il métamorphose en monumentales vanités.
Pendant longtemps, Philippe Cognée a semblé obsédé par le quotidien. Il s’est fait connaître par ses toiles de réfrigérateurs ou de lave-vaisselles, cadrés à ras, à la manière de monochrome. Par la suite, son observation du monde à travers le prisme de la photographie, de la vidéo ou de Google, s’est déployée dans de larges compositions de tours, bâtiments, supermarchés, routes, banlieues désertiques ou foules anonymes, à la limite de l’abstraction. Son langage de cire fondue, appliquée à chaud, écrasée au fer à repasser puis arrachée par le film plastique, riche de texture et de sensualité, offrait un contraste frappant avec une réalité a priori uniforme et morne. Le défi était de taille : démontrer comment le peintre pouvait encore proposer une interprétation originale de notre environnement, et sublimer une réalité moderne, uniforme et désincarnée.
En embrassant le thème de la fleur, Philippe Cognée choisit - en apparence - une autre banalité. Pourtant, ses cœurs de tournesols, pivoines ou amaryllis, séchés ou fanés, sont agrandis à l’extrême et si déformés par la cire, qu’elles en sont à peine reconnaissables. La technique d’encaustique se complexifie. Posée au pinceau ou jetée en dripping, lissée au fer ou artificiellement ondulée, la cire propose un entre- deux de matière qui fait écho à l’entre deux de ces fleurs, entre vie et trépas.
Ses toiles semblent renouer avec les fondamentaux de la peinture – on songe aux bouquets des natures mortes de la tradition flamande, mais aussi à Vincent Van Gogh ou Georgia O’Keeffe. Mais c’est avec les fondamentaux de sa propre peinture que Philippe Cognée se confronte. Ses fleurs démultipliées, conjuguées à de nouveaux paysages champêtres, renvoient à une nature magique, mystérieuse, aussi fragile qu’indomptable, peut-être héritée de son enfance passée au Bénin.
On y retrouve le « memento mori » qui hante nombre de ses séries, dont celles sur les usines de recyclage (2005), les vanités (2006) ou les abattoirs (2008). A l’heure où la question du déclin, civilisationnel et environnemental, tourmente nos sociétés, Philippe Cognée offre une réponse jubilatoire et subtile : une « poétique de la décadence ».
Né en 1957, Philippe Cognée travaille entre Nantes et Paris. Lauréat de la Villa Médicis en 1990, nommé pour le Prix Marcel Duchamp en 2004, Philippe Cognée a longtemps enseigné à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris.
Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles, notamment au MAMCO de Genève (2006), au FRAC Haute-Normandie (2007), au musée de Grenoble (2013), au Château de Chambord (2014), et à la Fondation Fernet-Branca de Saint Louis (2016). Son œuvre est présente dans de nombreuses collections publiques dont le Musée national d’art moderne - Centre Pompidou, la Fondation Cartier, la Collection Louis Vuitton, le Museum Ludwig à Cologne ou le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. Son travail fera l’objet d’une exposition au Domaine de Chaumont sur Loire en 2020 et au musée Bourdelle à Paris en 2021. Philippe Cognée est représenté depuis 2002 par la Galerie Templon.