Un lieu fermé, formel. Un monde urbain serré, enveloppé d'histoire, coupé par de longues lignes de bois et de pierres. Des lignes marquant la limite émotionnelle et forte d'un lieu officiel et aussi la dure arête et la pente inévitablement descendante de sa signification complexe, son sol de terre, son glissement vers le vieux terrain politique, sa tension persistante et son penchant ancien. Car la sculpture c'est cette dissonance - la dissonance de deux masses de signification humaine en conflit, taillées dans un monde historicisé. La dissonance de l'art.
Par cette première exposition personnelle, la galerie Christophe Gaillard est heureuse d'annoncer sa nouvelle collaboration avec le sculpteur américain Richard Nonas.
Né en 1936 à New York, Richard Nonas a d'abord été anthropologue pendant une dizaine d'années, vivant auprès d'Indiens du Canada, d'Amérique et du Mexique. Il a enseigné à l'Université de Caroline du Nord et au Queens College de New York. Il abandonne l'anthropologie à la fin des années 1960 pour se consacrer à la sculpture.
Richard Nonas a exposé dans le monde entier construisant des oeuvres pour des espaces publics et privés, intérieurs et extérieurs. Ses sculptures sont conservées actuellement dans les collections les plus prestigieuses.
Sa formation et son regard d'anthropologue influencent ses oeuvres et ses nombreux écrits : Richard Nonas y définit ce qu'est, selon lui, l'utilisation culturelle de la sculpture. Il pense le rôle, le pouvoir particulier et les limites de cet art, ses significations intellectuelles, émotionnelles et sensibles, son rapport à l'espace et au lieu.
L'artiste explique ainsi dans son livre Get out / Stay away / Come back:
«Je choisis l'emplacement de chaque sculpture de façon à constater la présence et la signification historiques d'un lieu particulier que ma sculpture va ensuite détruire. Je l'y place particulièrement pour changer un lieu en un autre lieu qui ne contiendra que le souvenir - le fantôme - du premier tout différent. Je l'y place pour créer un lieu qui était impensable avant que ma sculpture n'y soit. Je l'y place afin de tailler activement le monde reçu ; afin de l'élaguer et de le rabattre, afin d'y ajouter et de le changer - de même que le monde et la nature tout entiers sont constamment taillés, changés et aménagés par la culture.
J'installe chaque sculpture pour rouvrir puis fermer la partie du monde où elle est mise. Je l'installe pour transformer une histoire réelle nouvelle en existence humaine. J'installe ma sculpture pour donner forme au passé changeant. Pour reconnaître la possibilité même de l'histoire dans un monde qui s'enfuit.»
Richard Nonas use de la sculpture pour penser l'espace et ce qui façonne la perception physique et mentale que nous en avons. Il veut créer des objets (il récuse le terme d'installation) qui aient le pouvoir de nous interroger et de nous émouvoir pour transformer notre regard sur les lieux qu'ils habitent et dans lesquels nous nous déplaçons. Que ce soit sur les sites naturels ou dans les salles d'exposition, les éléments qui composent ses dispositifs minimalistes, poutres en bois, blocs de granit ou d'acier agencés selon des motifs simples et répétitifs, marquent le territoire dans lesquels ils s'inscrivent, scandent l'espace, l'interrompent, le renouvellent.
Pour cette première exposition à la galerie Christophe Gaillard, Richard Nonas a conçu deux grandes sculptures qui occupent les deux espaces de la galerie. Arrivé à Paris avec un protocole de départ et après avoir dessiné plusieurs projets possibles, l'artiste a déterminé l'emplacement des modules de bois et de granit au cours du montage de l'exposition, aboutissement d'un travail in situ. En dialogue avec un choix d'autres sculptures et d'oeuvres sur papier présenté sur les murs de la galerie, le sculpteur réinvente le lieu, jouant avec le rythme de ces lignes modulaires, leurs vides et les interstices qu'elles ouvrent.
Cette exposition a été conçue en collaboration avec les galeries Fergus Mc Caffrey (New York) et Bruno Mory (Besanceuil).