La Galerie Chantal Crousel est heureuse de présenter la 7ème exposition personnelle de Mona Hatoum, du 12 octobre au 23 novembre 2019.
De nouvelles sculptures, installations, ainsi que des œuvres sur papier sont présentées.
Poursuivant sa réflexion autour des conflits mondiaux, des migrations et de la surveillance, Mona Hatoum manipule, pour ce nouvel ensemble d’œuvres, des matériaux aussi divers que l’acier, la brique, le béton et les cheveux humains, afin de créer des espaces de tension, de paradoxe et d’ambiguïté. Le motif de la grille et la forme sphérique sont dans cette exposition autant de métaphores des thèmes du confinement, de l’oppression et de la destruction.
Pour traiter ces questions, l’artiste mêle abstraction et réalisme poétique, ce qui lui permet d’atteindre une certaine universalité et de faire d’elle non seulement une des figures les plus importantes de sa génération, mais aussi un modèle pour de nombreux artistes contemporains.
De la conception à la disposition de l'œuvre dans l'espace, Mona Hatoum porte son attention sur le corps du regardeur et sur ce moment précis où il va rentrer en contact avec l'œuvre. Entremêlant le thème du quotidien et celui de l’instabilité de notre monde, l’artiste crée un sentiment de malaise. Grâce à la familiarité des formes et la poésie des matériaux, les œuvres de Mona Hatoum sont séduisantes et attirent irrésistiblement le regard. Celui-ci est pourtant perturbé à l’approche de l’œuvre qui révèle des caractéristiques plus rudes et plus précaires qu’il n’y parait. À l’image de Remains (chair) V, un meuble réduit à ses restes fantomatiques carbonisés, maintenus ensemble grâce à un treillis métallique. Comme l’ombre d’elle-même, cette chaise n’évoque pas un intérieur rassurant mais bien un bouleversement, une situation inquiétante.
La volonté de l’artiste d’associer des préoccupations géopolitiques à des considérations esthétiques donne naissance à des œuvres majeures telles que Concrete Mobile, Orbital II ou Hot Spot (stand).
Cette dernière est un globe terrestre en métal cerné de néons, lesquels émettent une lumière d’un rouge envoûtant. Pourtant, en s’y rapprochant, nous sommes mis en alerte par une sensation de chaleur et un bourdonnement d’origine inconnue. Emblématique du travail de Mona Hatoum, la carte géographique est ici exploitée pour faire état d’un monde en ébullition et d’une terre en mutation. Pour Orbital II, Mona Hatoum fait appel à des matériaux issus du domaine de la construction : des barres d’armature en acier pliées agrémentées d'amas de béton aux bords irréguliers, dont la structure semble rejouer le mouvement de planètes en orbite. Concrete Mobile reprend ces éléments que l’artiste choisit ici de faire flotter au-dessus de nos têtes. Une fragile suspension suggérant l'érosion d’un immeuble autrefois solide et dont il ne resterait qu’un squelette de fragments. L’artiste produit ainsi la délicate métaphore de la vulnérabilité d'un monde en état de permanente destruction, tout en donnant les clés d’une possible reconstruction. A Pile of Bricks est composée de ces mêmes matériaux de construction. L’artiste empile les briques, rappelant la forme d’une maquette architecturale mobile et évoquant un immeuble dont l’effondrement aurait creusé la façade.
Le rapport spatial que crée Mona Hatoum entre ces œuvres puissantes et le spectateur suscite ainsi une véritable expérience viscérale.
Un autre motif se déploie dans l’exposition, celui de la grille. Initialement venu à l’esprit de Mona Hatoum par le biais de son intérêt pour les formes géométriques minimalistes, ce motif est devenu progressivement le symbole de situations réelles liées à l’enfermement. De manière sérielle, Mona Hatoum répète ce motif dans les dessins sur papier sulfurisé intitulés Drawing Heat, qu’elle réalise à main levée à l’aide d’une tige métallique brûlante, créant une forme par retrait de la matière. Pour untitled (bed springs) I & II, c’est une forme organique de grille qui voit le jour. Ces œuvres réalisées au moyen de ressorts de sommiers de lit décadrés, directement apposés sur la pierre lithographique, détournent la forme classique de la grille géométrique et régulière. Cette dernière semble alors s’évaporer et évoquer une possible libération.
Si le corps est le point de départ du commentaire de l’artiste au sujet de l’état du monde, il peut également en être l’objet. Depuis ses débuts, Mona Hatoum explore le corps dans son intériorité et le dévoile jusque dans sa plus profonde intimité. Non sans humour et en cherchant toujours à provoquer des émotions contradictoires, l’artiste poursuit son auscultation de la forme sphérique en réalisant Inside Out (concrete), une sculpture en béton dont les motifs rappellent les méandres d’un système digestif. L’artiste érige ses composants corporels en œuvre d’art : un collier de ses propres ongles présenté sur un buste en bois habituellement utilisé en joaillerie (Nail Necklace) et une boule de cheveux (Silver Ball), disposée sur socle tel un objet précieux. D’autres œuvres sur papier de petites dimensions réalisées à partir de cheveux ponctuent l’exposition, favorisant la proximité entre l’artiste et le spectateur.
Enfin, une invitation à entrer dans une toute autre intimité est formulée avec SP Atelier : celle de l’atelier de l’artiste. Mona Hatoum y déploie un ensemble de dessins, de photographies, de broderies et d’objets collectés à l’occasion d’une résidence à São Paulo en 2014. Les éléments qui composent SP Atelier sont des échantillons ou dessins préparatoires d’œuvres qui ont vu le jour à São Paulo et qui ont ensuite été présentés dans l’exposition qui a suivi la résidence de l’artiste. Cette œuvre révèle les coulisses d’une pratique artistique développée en dehors de tout atelier fixe, en se nourrissant des matériaux et des savoir-faire locaux.
Comme l’écrit Clarie Wallis, « [Mona Hatoum] fait preuve d’une grande sophistication dans sa manipulation des matériaux et de leur potentiel métaphorique, et c’est dans l’interface qui les relie qu’en réside le sens ». L’espace du spectateur est ainsi empli de tensions entre forme et contenu, matière et pensée, et la poésie latente qui en résulte constitue toute la puissance de l’œuvre de l’artiste.
En 2019, Mona Hatoum est lauréate du prix Praemium Imperiale pour la sculpture, remis par la Japan Art Association, la plus ancienne fondation culturelle du Japon.
Elle a remporté de nombreux prix au cours de sa carrière, tels que le 10th Hiroshima Art Prize du Hiroshima City Museum of Contemporary Art (2017), Joan Miró Prize de la Fondation Joan Miró, Barcelone (2011), ou encore le Roswitha Haftmann Stiftung Prize (2004).
Son travail a fait l’objet d’une exposition monographique itinérante au Centre Pompidou Paris en 2015, puis à la Tate Londres et au Musée d’Art Contemporain Kiasma à Helsinki en 2016. L’œuvre de Mona Hatoum a par ailleurs été présentée à la Menil Collection, Houston, États-Unis (2017) ; Pulitzer Arts Foundation à St Louis, États-Unis (2018) ; Hiroshima City Museum of Contemporary Art, Japon (2017) ; Fundación PROA, Buenos Aires, Argentine (2015) ; Pinacoteca do Estado, São Paulo, Brésil (2014) ; Musée des Beaux-Arts, Gand, Belgique (2014) ; Arab Museum of Modern Art, Doha, Qatar (2014) ; Kunstmuseum St-Gallen, Suisse (2013) ; Arter, Istanbul, Turquie (2012) ; Juan Miro Fundacion, Barcelone, Espagne (2012) ; Ullens Center for Contemporary Art, Pékin, Chine (2009) ; Fondazione Querini Stampalia, Venise, Italie (2009) ; Museum of contemporary art, Sydney, Australie (2005) ; Hamburger Kunsthalle, Hambourg, Allemagne (2004), Kunstmuseum Bonn, Allemagne (2004), Magasin III, Stockholm, Suède (2004) ; Museo de Arte Contemporáneo de Oaxaca, Mexique (2003) ; Centro de Arte de Salamanca, Espagne (2002).