Lumières d'or est une série pour laquelle le photographe, Muramatsu Keiichirô, a lui-même composé les arrangements floraux qu'il a capturés. Son travail s'inspire du livre Éloge de l’ombre de Tanizaki Junichirô. Pour l'arrangement floral (ikebana), l'artiste adopte principalement le style du nageirebana, qui privilégie l'aspect des fleurs à leur état sauvage. Les fleurs sont disposées librement dans le vase, et prennent une position naturelle dans l'eau. Les photographies de Muramatsu Keiichirô expriment l'infini, grâce à la mise en scène des fleurs, de l'eau et du vase baignés de lumières d'or, associée à l'état d'esprit de l'artiste au moment où il compose l'arrangement floral. La somptuosité de l'or distille également un sentiment de tristesse. La beauté de l'or ne se contente pas de magnifier la beauté naturelle des fleurs, elle reflète également dans le cœur de celui qui la contemple le sentiment de l'impermanence des choses et la conscience du temps qui passe.
«A Stage», la première exposition personnelle de Keiichiro Muramatsu, se veut une variation autour du nageire, un art de l’arrangement floral libéré des contraintes artificielles de l’ikebana. Keiichiro Muramatsu cite en exergue de sa note d’intention trois vers de Shakespeare tirés de Comme il vous plaira (1599) : « Le monde entier est un théâtre, et les hommes et les femmes ne sont que des acteurs; ils ont leurs entrées et leurs sorties ». Ce théâtre qui rassemble ses acteurs est symbolisé dans le travail de Muramatsu par le tokonoma, l’alcôve que l’on trouve dans les maisons japonaises à destination sacrée ou artistique. Sur cette scène réduite qu’est le tokonoma, tel un univers clos et autarcique, Muramatsu nous dévoile l’art du nageire. La série se dévoile en un acte et sept scènes qui correspondent aux 7 étapes de la vie d’un être humain. La partition de la vie en 7 étapes est un concept que l’on retrouve dans le théâtre nô, où dit-on, il faut les avoir accomplies pour devenir un acteur nô professionnel. Muramatsu associe ici l’être humain aux fleurs qu’il photographie. Chaque étape (de la naissance à l’âge de 7 ans puis 12, 18, 25, 35, 45, 50 ans puis au-delà) correspond à un état d’éclosion et de floraison des fleurs de son tokonoma. La patience et l’observation sont sans doute les maîtres mots du processus photographique.
Nul ne prend le temps d’observer en temps réel la croissance d’une fleur. L’éphémère est ainsi capturé et célèbre chaque âge de la vie. La vigueur des jeunes pousses fait écho aux feuilles fanées et rousses des fleurs ayant atteint l’orée de l’existence. La dichotomie entre élément naturel (le végétal) et industriel (les récipients de métal) est symptomatique du travail de Keiichiro Muramatsu. Ainsi, l’assemblage de ces deux éléments distincts et que tout oppose, unifie la composition. A l’instar des vanités, tout ici nous rappelle que toute chose est éphémère, que le décompte commence dès notre naissance mettant en garde chaque être humain sur l’immanence du destin (fatum). L’entremêlement de la vie, de la mort, de la jeunesse et de la vieillesse est constant tout au long de la vie. Le parallèle entre le nô et le théâtre élisabéthain devient alors flagrant.