À l’étrangeté habituelle de ses dessins - où sommes-nous ? Qui sont-ils ? Pourquoi ? - s’ajoute l’énigmatique titrage des œuvres : "Gilles Aillaud", "David Hockney", "Karin Mamma Andersson", "Tal R." etc. Les noms d’artistes sont ici convoqués comme des indices que Frédéric Poincelet, dans ses œuvres, place dans une perspective plus générale du champ de la création.
Après l’exposition intitulée "S NS T TR " (2016) et qui insistait, par le choix de cette formulation établie en histoire de l’art, sur l’absence des titres de ses dessins, Frédéric Poincelet prend le contrepied de sa propre habitude et use des noms d’artistes pour nommer ses derniers dessins. Il ne s’agit pas d’y apporter un élément descriptif ni un commentaire, mais de « convoquer » ce qui l’habite. Fantômes sous-jacents, discrets, qui, dans les sujets traités par les artistes que Frédéric Poincelet regarde, le possèdent jusqu’à ressurgir dans ses propres dessins.
On retrouve dans cette nouvelle exposition : paysages ou espaces non localisés, femme, enfant, animal. Les couleurs déposées au lavis d’encre en amont du dessin au stylo à bille, sont de plus en plus présentes, le chassant parfois. Dans ses plus récentes réalisations, la composition du dessin évolue par la mise en réserve d’une partie de la feuille ou la création de marges par collage, l’artiste retrouve le papier, sa lumière, non saturée, ni par le stylo ni par l’encre, relevant ainsi la surdité des couleurs.
Ces œuvres, aux sujets désordonnés ne forment pas une série mais un ensemble, qui a pour point d’encrage la question du dessin pour lui-même.
Cette question, centrale dans son travail, amène Frédéric Poincelet à proposer un second volet au sein de son exposition, se faisant commissaire d’une exposition collective : « Des fleurs pour Valentin » (vernissage jeudi 14 février) où il invite près d’une vingtaine d’artistes sur le thème du bouquet.
Frédéric Poincelet. Né en 1967, il vit et travaille à Paris.
Frédéric Poincelet étudie le graphisme et édite en parallèle des livres d'artistes, il s'occupe un temps de la structure Lune Produck/Art contemporain. Il participe notamment aux revues Le dernier cri, Hôpital brut, Bang!, Tecknikart, Double... C'est en 1998 que Frédéric Poincelet rejoint l'éditeur Ego comme x. Outre ses livres chez cet éditeur, dont il est aussi le graphiste attitré, il réalise plusieurs reportages dessinés pour les revues Bang! et Beaux-Arts Magazine.
Sur la lancée de son dernier livre "Mon bel amour", il entame en 2006 une collaboration avec le magazine Psychologies, traitant de la sexualité féminine, collaboration qui s'achève en 2008. La même année, il réalise pour le quotidien Libération deux pages de reportage/BD sur Sasha Grey, la porno-star américaine.
Parallèlement à cette carrière d'auteur de bande dessinée, Frédéric Poincelet est une figure importante de la scène du dessin contemporain, participant entre autres à l'exposition "Dessins pointus", et avec le collectif Frédéric Magazine, dont il est un des membres fondateurs, participe à l’exposition "La force de l'art" au Grand Palais. Frédéric Magazine se place dans une position de revendication du dessin, de cette pratique du dessin qui ne se justifie que pour lui-même. C'est-à-dire qui n'est au service d'aucune autre pratique artistique plus noble. Leur dessin n'est pas une pratique du croquis, ou de l'étude intermédiaire à la grande oeuvre que sera une peinture ou sculpture à venir... Le dessin est sa propre justification et sa finalité même, en cela il peut se revendiquer d'une tradition qui va de "L'Assiette au Beurre" à "Bazooka", du "New Yorker" à "Elles sont de sorties".