La Galerie Xippas est heureuse de présenter une exposition de la photographe parisienne Bettina Rheims, pour la première fois dans une galerie suisse.
Au centre du travail de Bettina Rheims, le portrait de femmes, connues ou non, une photographie non conventionnelle créant les conditions d’une iconographie particulière du corps. Les photographies présentées à la Galerie Xippas ont été réalisées entre 1994 et 2013, et sont issues des séries les plus emblématiques de l’artiste Pourquoi m’as-tu abandonnée ? et Héroïnes.
« Dans une séance photo, il faut casser le jouet de la personne qui pose. C’est joli au début, et puis, ça l’est moins. Ça devient plus trouble, plus bizarre. C’est là que l’histoire se raconte. »
Au début des années 1990 Bettina Rheims travaille parallèlement en France et aux Etats-Unis où elle réalise des séries de mode pour de nombreux magazines et des images de promotion pour le cinéma. Certaines de ces images de commande s’inscrivent si précisément dans son travail personnel que Bettina Rheims décide de les extraire de leur contexte afin de les regrouper au fur et à mesure pour créer la série Pourquoi m’as-tu abandonnée ?.
La représentation et la construction de la féminité sont ses sujets de prédilection, une quasi-obsession de l’artiste. La femme photographiée
par Bettina Rheims s’expose non seulement, mais se délivre, déconstruisant son image comme elle découvre son corps. Une représentation d’une beauté décalée par des mises en scène et des scénarios parfaitement pensés et maîtrisés par l’artiste. Bettina Rheims innove cette question d’une possible comptabilité entre féminisme et photographie de mode.
L’instrumentalisation glacée de la femme qui pose est oubliée pour lui conférer une nouvelle représentation. Elle s’éloigne ainsi du genre en posant un regard singulier qui nourrit tout à la fois le fantasme et la dénonciation de l’autorité des codes et des a priori de nos sociétés. Bettina Rheims est une actrice des années de la libération des corps, une photographe de la peau. Ses images cassent les codes de la photographie de portrait et de mode tout en les poussant à leur limite, éclatant le glamour, la beauté et l’érotisme jusqu’à leur paroxysme.
La photographie de Bettina Rheims est ainsi une composition. Elle calcule, réfléchit, et met en place l’image qu’elle souhaite donner à voir, telle un peintre pouvant user de tout un panel de possibles imaginables. Une entière liberté de représentations de la femme qui confère à ses images, une identité propre, contemporaine et engagée.
« J’ai toujours pensé que mon travail avait un lien fort avec la sculpture, que ces femmes que je photographiais vivaient dans l’espace, et n’étaient pas juste plaquées sur une feuille de papier. »
Pour la série Héroïnes Bettina Rheims a invité 23 femmes, qu’elle avait depuis longtemps envie de photographier ; certaines qu’elle connaissait déjà, d’autres qui l’avaient attirées par leur charisme, leur qualité d’icônes. « La mélancolie est une femme seule assise sur un rocher, perdue dans ses pensées et qui regarde
au loin ». C’est inspirée par cette phrase de Jean Clair dans l’exposition Mélancolie au Grand Palais (2005), qu’elle décide de faire construire un rocher et l’installe dans son studio. L’objet devient une sorte de piédestal que ses modèles s’approprient pour venir s’y abandonner. Cette série est ainsi un véritable hommage à la sculpture. Les femmes jaillissent de la pierre, faisant corps avec le socle sans toucher le sol, telles les femmes de Rodin ou les idoles des Cyclades.
C’est pourquoi la démarche artistique de Bettina Rheims est inclassable. Portrait, mode, politique, contemporaine, engagée ? Sa photographie use des genres pour se créer un univers singulier. Bettina Rheims perturbe les codes de la photographie en mettant en scène ces femmes qu’elle capture dans ces instants infimes, ceux d’une puissante intimité entre le modèle et son photographe. Elle les exalte avec cette force artistique de représentation qui lui est propre. Se révèlent ainsi des portraits troublants, comme portés par le regard avant-gardiste de Bettina Rheims.