La galerie Xippas est heureuse d’annoncer la première exposition personnelle de Chechu Álava en Suisse où elle présentera un ensemble de toiles inédites.
Water, is taught by thirst.
Land—by the Oceans passed.
Transport—by throe—
Peace—by its battles told—
Love, by Memorial Mold—
Birds, by the Snow.(Emily Dickinson)
La peinture de Chechu Álava se joue du temps, des codes et des frontières. Elle fait coexister passé, présent et futur en exprimant d’un pinceau contemporain les héritages de l’histoire de l’art, comme habitée par ce qui a déjà été fait. Elle emprunte les chemins picturaux du flou pour formuler avec une précision rare les émotions, et dresse, en sondant les tréfonds de chaque individu, un portrait humain universel qui rattache l’intime au récit collectif. Représentées de façon extrêmement délicate, les chairs des corps dévoilent les âmes qui les animent et leur beauté fragile, volontiers balthusienne, incarne une force troublante.
Tendus à celles et ceux qui les contemplent comme des miroirs, les fascinants tableaux de l’artiste espagnole sont peuplés de figures essentiellement féminines, dont le regard semble aussi bien percer les autres à jour que perdus dans un rêve intérieur. Ils emboîtent, à la manière des matriochkas, la vie personnelle de la plasticienne, les références aux grands maîtres, aux personnalités qui ont marqué leur époque ou au féminisme.
Ces multiples strates se retrouvent physiquement à la surface des toiles. Au gré d’un lent processus, guidée par un état modifié de conscience et par quelque chose de l’ordre de la transcendance - « conduite par la peinture », dit-elle -, Álava travaille l’huile par transparence. Elle laisse chaque couche sécher avant de la recouvrir d’une nouvelle, conférant à la matière une fluidité vaporeuse qui tient du songe. La réalité selon Chechu ne relève pas de la ligne droite, mais de l’intuition.
Un beau tableau n’est « ni une bonne idée, ni une bonne technique, ni les deux à la fois ». Il s’agit d’un geste d’amour, d’un voyage intérieur qui résulte d’une série d’accidents menant d’un endroit à un autre ; il échappe à sa créatrice pour vivre sa propre existence et, à l’instar d’une musique, se laisser interpréter par la vision et la sensibilité des spectateurs.
Empruntant son titre à un poème d’Emily Dickinson, Water is taught by thirst, l’exposition présente les six dernières œuvres de l’artiste. Moins évidemment reliée à des figures historiques, la narration y a pris un tour plus autobiographique. La trame, toutefois, en demeure tissée aux fils de la sensualité et de la spiritualité, lesquelles sans cesse nous ramènent à nous-mêmes.
(Texte de Irène Languin)