Même si la photographie est devenue le médium de prédilection pour le portrait, j’opte pour l’huile sur toile comme mode de représentation. D’ailleurs, travailler avec un modèle porte à développer une relation intense avec l’image peinte et à entretenir un lien particulier avec l’histoire de l’art. Si, à quelques occasions, la photographie intervient dans mon processus artistique, c’est avant tout pour remplacer la présence physique d’un modèle vivant. J’ai choisi de concentrer ma production sur la représentation d’un personnage unique.
J’investie chaque toile de détails significatifs, cherchant ainsi à, non seulement exprimer un réalisme, mais surtout révéler des aspects psychologiques particuliers à la personne présente dans mon atelier. En somme, un discours sur le sujet individualisé, son état d’esprit, son identité et sa relation au monde. C’est en ce sens que j’expose, avec réalisme, des personnages actuels, délaissant la tradition classique du portrait idéalisant. Dans une culture obnubilée par la célébrité, la jeunesse et un idéal de perfection, le simple fait d’être âgé, handicapé, marginalisé, conduit à l’anonymat, à une certaine invisibilité. Ce sont ces gens que j’ai décidé de représenter dans mes œuvres. Des personnes chez lesquelles je reconnais une « expérience de vie », dont je cherche à rendre la complexité, la richesse.
L’un de mes objectifs consiste à dépeindre un large spectre de la nature humaine. Par ailleurs, la séance de pose se révèle être l’occasion, pour les modèles, de sortir de l’anonymat dans lequel la vie quotidienne les garde souvent. Sous l’œil attentif et scrutateur du peintre, la personne devient le point de mire, l’objet d’une attention particulière. En quelque sorte, cette étape favorise l’estime de soi. Enfin, les œuvres du Caravage ont largement influencé ma démarche artistique. J’en retiens principalement l’étonnante mise en valeur des corps par un traitement inouï des clairs-obscurs. En sommes, tous ces aspects : plastiques, sociaux, psychologiques, font partie intégrante de mon travail, et je les garde à l’esprit lorsque je me retrouve devant mon modèle.
(Jason Walker)