La galerie est heureuse de présenter l’exposition de l’artiste DANI KARAVAN, intitulée ADAMA, « Terre » en hébreu, nouvel hommage rendu à l’artiste israélien, exposé et soutenu par la galerie depuis l’exposition « Questions d’urbanité » des années 80 dans laquelle la galerie présentait, auprès de Jean-Pierre Raynaud et Gérard Singer, sa toute première maquette en plastiline et dessins de son Axe Majeur. Sculpture urbaine et environnementale de 3 kms de long, à la frontière entre sculpture, paysage, urbanisme et architecture, L’Axe Majeur est conçu alors pour lier la ville nouvelle de Cergy-Pontoise à l’un des plus beaux paysages de l’Ile-de-France dans l’axe central de Paris et ses quartiers de la Défense, de l’Arc de Triomphe et de la Pyramide du Louvre en perspective. Composée de 12 stations – chiffre ô combien symbolique – 11 d’entre elles sont à présent achevées.
Afin d’attirer l’attention du public sur cette œuvre majeure, empreinte d’espace et de temps, développée durablement depuis 1980 et toujours en cours en 2018, la galerie a choisi de présenter la maquette de 8m de long de cette œuvre monumentale afin de faire partager toute l’ampleur de la vision de l’artiste sur sa capacité à offrir un paysage à la fois empreint de mémoire et tout en perspective. Parallèlement à cette œuvre majeure, un mur de photographies présentera les innombrables réalisations de l’artiste à travers le monde, réalisées en parallèle à la construction de l’Axe Majeur.
Egalement, cinquante ans après la réalisation de sa première sculpture environnementale dans le désert israélien, intitulée Monument du Néguev (1963-1968) et installée en plein désert israélien, la galerie expose les toutes dernières sculptures de Karavan, de petit ou grand format, et bas-reliefs de l’artiste en béton de terre crue. Ces sculptures en béton de terre remémorant les villages en terre de son enfance dont les constructions étaient conçues comme des sculptures habitables puisque pièces et mobilier étaient entièrement faits de terre, comme certains vestiges de constructions cananéennes et israélites datant de plus de 1500 à 3000 ans. Grâce à la technique innovante du béton de terre crue pour bas-reliefs et sculptures réalisées avec l’aide de l’artisan Rachid Mizrahi, et de la maquettiste de l’artiste, Anne Tamisier, Dani Karavan a pu donner naissance à ces œuvres, évocation des architectures de terre communes à plusieurs cultures et de l’universalité qui relie ces cultures entre elles. Exceptionnellement prêtées pour quelques unes d’entre elles, au Musée d’art moderne de Céret en 2015, elles sont aujourd’hui présentées dans leur totalité à la galerie qui en a soutenu durant ces trois dernières années toute la conception et la production. Evoquant ces architectures de terre à taille humaine, l’artiste commente : « Cinquante ans après le Monument du Néguev, je ressentais le besoin de revenir à des œuvres de plus petites dimensions, à la musique de chambre. J’ai donc commencé par le bon matériau. En fait, pour moi, tous les matériaux sont appropriés, j’en ai d’ailleurs utilisé un grand nombre tout au long de ma vie artistique. Cependant, j’avais envie d’en découvrir de nouveaux et c’est alors qu’une voie s’est ouverte à moi : travailler avec la terre. J’étais enthousiasmé par cette idée ». Œuvrant constamment avec des formes simples et universelles, dans la lignée de sculptures spatiales de grands artistes du 20ème siècle tels que Brancusi, Noguchi et Giacometti, Dani Karavan a toujours conservé sa nature profonde d’innocence de l’enfance et de pacifisme comme il le décrit lui-même : « Je suis né sur les rivages de la mer Méditerranée, j’ai marché dans les dunes, auprès des oliviers, des montagnes et des vallées qui ont survécu à toutes ces terribles guerres. La mémoire est devenue partie de mon propre être, et si la mémoire est oubliée, la direction se perd et aussi le chemin ». Selon Germain Viatte qui a été de toutes les aventures de l’art contemporain en France pendant un demi-siècle et a toujours démontré un intérêt particulièrement marqué pour les musées de civilisation, ces nouvelles œuvres apparaissent comme « une sorte de grand ‘abécédaire de sa description du monde’, un dépassement personnel que l’artiste n’a eu de cesse de parfaire et de préciser tout en l’appliquant aux situations géographiques er historiques les plus variées. La plupart des cultures ont ainsi dressé – et ceci dès la préhistoire – poteaux anthropomorphes, totems incarnant les esprits animaux et invoquant les morts, stèles votives des conquêtes et du pouvoir, cairns jalonnant des espaces indifférenciés afin de dialoguer avec les vents et de se mesurer avec le temps, la course du soleil et des étoiles ; ils viennent toujours établir, à proximité des lieux du sacré et du vivre, l’aplomb des hommes capables de dialoguer ainsi avec les forces de la nature. Verticale, la stèle marque le désir ascendant d’échapper à la gravité et de placer l’homme à parité avec les arbres et les montagnes, entre terre et ciel ».
Cet ensemble de sculptures, telles des stèles, dont les nuances variées d’ocre ou de rosé, lisses en surface ou grumeleuses à l’intérieur, sont semblables à des demeures ; à l’image des ces maisons traditionnelles, ou encore, à ces villages historiques que nous connaissons, ici et là, par les innombrables fouilles archéologiques en Israël et Palestine, à Chypre, ou encore en Afrique ou au Maroc, où les techniques de construction de béton de terre étaient si avancées. Comme les décrit Germain Viatte dans son texte Stèles et Reliefs, « ces édifices nous parlent clairement tout en demeurant secrets. Toujours simple et d’apparence élémentaire, leur forme peut être savante comme Metuman (Octogone), ou la double sinusoïde de Knisa (Entrée), ou même le fût resserré de ce Shovach (Pigeonnier). Ce qui compte, c’est toujours leur élan croissant, celui de Aliya (Ascension), de Tfila (Prière), des cinq percées superposées de Halonot (Fenêtres) ou celui de Haritz (Fente), acéré en flèche ; et ce sont enfin leurs percées qui disent l’oculus astral, la vue multiple, l’accès, la traversée, la visée, la pénétration directe, ou oblique comme dans Mabat (Vue). Ils ont la familiarité rythmée d’un cortège processionnel qui serait celui des hommes. Ils manifestent l’être vrai. Leurs titres éclairent l’intention sans la livrer vraiment ; ils préfèrent proposer, et gardent, pour nous, le caractère ésotérique de leur formulation en hébreu ». Les bas-reliefs de Dani Karavan, eux, sont l’écriture de paysages, le murmure de l’eau, les ondulations de dunes, les structures de tentes préhistoriques, habitats de ces premiers hommes dont les titres sont éclairants : Ha’acher (L’Autre), Vayachaloku (Partage), Meshulashim (Triangles), Sefer Patuach (Livre ouvert) ou des équivalences apparemment contradictoires Shakua et Bolet (Négatif et Positif). Pour toutes ces œuvres, Dani Karavan choisit le matériau de la terre unificatrice dans sa capacité à transmettre un message universel de paix. Elles semblent ainsi venir compléter et donner racine à ses œuvres des années 50, où Karavan aimait à peindre ces villages proches des kibboutz de son enfance.
Travaillant toujours chaque site de manière précise, chaque détail de l’exposition à la galerie a été conçu par l’artiste tels ces piliers/miroirs qui renvoient, par leurs multiples réfléchissements, aux structures de terre et à la multiplicité de cadrages et d’images.