Une myriade de petits points noirs trace l'ombre de corps sans visages. Des corps que l'on pourrait avoir retrouvé dans le fond d'une grotte oubliée, gravés sur un coin que la roche a précieusement gardé. L'eau semble avoir ruisselé sur ces peaux granuleuses, leur laissant toute l'étendue d'une impression qui ne s'épuise jamais.
Ce rapport au temps fait certainement l'une des spécificités de la série Torso. Comme si la peinture de Ferle avait voulu faire fi de quelque chronologie qui soit. Ces corps sont ceux des apollons moulés dans le marbre que la Grèce Antique érigeait en canons de beauté il y a des siècles. Ils sont les nus classiques que la peinture d'histoire a mis en scène. Mais ils sont également des clins d'œil à une production bien plus récente qui interroge directement les chairs comme peuvent le faire Georg Baselitz ou encore Francis Bacon.
Comme suspendus en apesanteur, ils pourraient être le corps de tous. Et pourtant, libres, indociles, éclatés, dispersés, ils renferment quelque chose d'inhumain, d'impalpable qui les rend mystérieux, presque dérangeant.
Giclures d'encre, ils partagent parfois leur espace avec des morceaux géométrique sombres. Comme pour rappeler les lieux sans n que l'artiste peint sur de gigantesques toiles. Comme pour évoquer les paysages à l'horizon sombre dans lesquels il est facile de se perdre. Bancs de terre sombre, blocs de ciel gris, étendues d'asphalte, tout semble, chez Ferle, inaltérable.