Le salon de lecture est l’espace de médiation de la Villa Sauber. Renouvelé à l’occasion de chaque nouvelle exposition, il fait régulièrement l’objet d’une invitation faite à un artiste ou un designer. Après Adrien Rovero, Antoinette Poisson, Stéphane Magnin, Nathalie Du Pasquier et Andrea Blum, l’artiste Yto Barrada en collaboration avec la designer Stéphanie Marin transforme cet espace de médiation et de convivialité en un salon géologique, inspiré des cartes géologiques et lithologiques du Maroc.
La lithologie est une branche de la géologie qui étudie la nature et la formation des roches. Réaliser une lithologie d’une unité de roche signifie étudier la formation des roches, et décrire ses caractéristiques physiques visibles à l’affleurement (la coupe transversale exposée à l’œil nu) ou rendu visible en utilisant des échantillons de carottage géologique, ou des microscopes. La lithologie représente graphiquement la couleur, la texture, la taille des grains et la composition. Pour exprimer ces données sous formes de diagrammes, les géologues ont établi une convention cartographique, où les couleurs et les motifs représentent les périodes géologiques et la composition des roches. Lors de mes recherches sur l’artisanat des fossiles et leur contrefaçon au Maroc, j’ai découvert ce vocabulaire visuel dans de magnifiques documents rédigés à la main dans les archives d’un musée. Les formes de l’abstraction, le jeu et les outils d’alphabétisation visuelle sont au centre de ma pratique artistique. Le résultat fut la création d’objets pédagogiques et de sculptures – une série de photogrammes, de broderies et un terrain de jeux composé de blocs mous.
(Yto Barrada)
Salon géologique I est une malle nomade sur roulettes, elle contient un jeu de formes de différentes densités, des blocs, des briques, des cubes ou encore des triangles en velours graphiques et colorés. Une fois déployé dans l’espace, le salon prend la forme d’un petit monde autonome, composé d’éléments à l’échelle du mobilier, qui s’assemblent pour former un paysage métaphorique et dynamique.
Pour cette exposition à la Villa Sauber, le Salon géologique intègre deux autres œuvres d’Yto Barrada : A Guide to trees for Governors and Gardeners (2014) est un film tourné à l’échelle d’une maquette motorisée intitulée Gran Royal Turismo (2003) récemment acquise par le NMNM. La caméra suit le cortège d’une délégation officielle traversant une petite ville marocaine de carton-pâte. Sur le passage des voitures, des palmiers parfaitement taillés sortent du sol, des tapis rouges apparaissent, les murs défraichis des unités d’habitations sont remplacés par des façades propres, les lampadaires s’allument et les drapeaux flottent au vent. Une fois les voitures passées, tout le décorum disparait.
Arbre emblématique du Maroc et figure récurrente des œuvres d’Yto Barrada, le palmier est un symbole d’exotisme, mais aussi de domestication des espaces publics et d’aliénation. La sculpture Green Palm (2016), constituée de tôle et d’une centaine d’ampoules colorées, prend la forme d’une enseigne publicitaire. Yto Barrada interroge son utilisation dans l’agriculture mondiale (huile de palme), l’urbanisme (avenues) et le tourisme de ces arbres, parfois déracinés pour se retrouver transplantés comme éléments de décor dans une ville où il est confondu avec du mobilier urbain.
Yto Barrada est née en 1971 à Paris et a grandi à Tanger. Elle a étudié l’histoire et les sciences politiques à la Sorbonne, ainsi que la photographie à New York. Son travail inclut photographie, film, sculpture, installation et éditions. Yto Barrada vit aujourd’hui entre le Maroc et les Etats-Unis. Elle est la fondatrice de la Cinémathèque de Tanger.
Représenté par Pace Gallery (Londres / New York), Sfeir-Semler Gallery (Hambourg /Beyrouth) et par la Galerie Polaris (Paris), son travail a récemment été exposé au Barbican Center (Londres), à The Power Plant (Toronto), au M Museum (Louvain), au Secession Vienna (Vienne), au Carré dart musée d’art contemporain (Nîmes), à la Fundação Serralves (Porto), ou encore au MACBA (Barcelone).
Née en 1973 à Marseille, Stéphanie Marin vit et travaille à Nice. Sensible à la dimension immatérielle du design, aux émotions qu’il peut provoquer, Stéphanie Marin travaille sur la relation au corps, à l’espace et à la lumière.
On retrouve ses collections dans de nombreux musées : le musée MAK à Vienne, la Cité Radieuse Le Corbusier à Marseille, le Malmö Museet en Suède, l’Aubette 1928 à Strasbourg, les Abattoirs de Toulouse, le musée du Centre d’Astronomie d’Imiloa à Hawaï, le Palais de Tokyo à Paris, au Musée Lenbachhaus de Munich, au musée Reattu à Arles, au Museo delle Scienze à Trento, au MAMAC et à la Villa Arson à Nice, et au Pavillon Français lors de la Biennale de Venise notamment.