Le titre « La Maman et la Putain » est emprunté à celui du lm de Jean Eustache qui t grand scandale à Cannes lors de sa sortie en 1973.
L’exposition réunit les œuvres de seize artistes, de 1910 à nos jours, autant d’artistes femmes que d’hommes, autant de techniques, autant de stéréotypes d’images « féminines » pour mieux jouer, traverser, dépasser les « enfermements » et des clichés réducteurs.
C’est avec un dessin de 1910 de quelques femmes nues et lascives chères à Jules Pascin que nous commençons à remonter le temps, mais aussi — et l’on connaît moins cet aspect de l’artiste — avec trois autres aquarelles de scènes « presque » ordinaires de la vie de famille où l’ennui semble réunir parents et enfants.
« La Joie de vivre », dessin de Francis Picabia de 1949, présentant l’érection d’un homme devant une femme portant son enfant, incarne à lui seul l’autre sujet principal de l’exposition : le désir, tout comme les crayonnés de jambes ouvertes de Hans Bellmer du début des années 60. A la même période, Niki de Saint Phalle con sque les jouets de ses enfants pour les recouvrir de plâtre et sculpter le cœur «chargé » du Docteur Frankenstein. Quelques années plus tard, la dentelle du porte- jarretelles de sa « Lady Sings the Blues », imposante femme noire de plus de deux mètres de haut, ne peut adoucir la brutalité de la vie de Billie Holiday, à laquelle l’artiste rend ici hommage. « La Nonne Joyeuse » de Claude Gilli, sa contemporaine (1965) offre quant à elle une image totalement opposée, celle lisse et colorée des icônes pop.
C’est bien l’image de la femme au lendemain de mai 68 que Michel Journiac incarne dans sa série « 24H de la vie d’une femme ordinaire » datée de 1974. Les poses et les travestissements de l’artiste nous détournent à peine des clichés persistants quant aux rôles attribués à la gente féminine de l’époque. Les photographies noir et blanc de VALIE EXPORT semblent extraites d’un lm de la Nouvelle Vague, dont l’héroïne, l’artiste elle même, se questionne, se cache, raconte une histoire « de formes » éloignée de tout fantasme.
L’origine des sites pornographiques actuels pourrait bien trouver sa source dans le Minitel rose des années 80. Jacques Villeglé, prélève les af ches de femmes offertes « tapinant » sur les murs de la ville assorties de leur emblématique 3615.
Mais la prostitution n’est pas que celle des corps, mais bien celle des images qui vont déferler dans les décennies suivantes. L’image sexy de la pop star Cher a beau se démultiplier dans le grand tableau de Julia Wachtel «You Disappear Me», elle nit par s’incliner au pro t de celle d’un pirate déglingué et sommairement dessiné, tout droit sorti d’une banale carte postale américaine.
Cindy Sherman pourrait à elle seule incarner toutes les images, les questionnements et les évolutions des sujets qui nous préoccupent ; la photographie la « Mère Noël » datant de 1990 marque discrètement et avec humour sa présence.
Nous aurions pu commencer par l’une des femmes les plus libres et les plus activistes de cette exposition : Joséphine Baker, qui dès le début du 20ème siècle agite « son esclavage » de manière effrénée devant des foules racistes de l’époque. Jeff Mills a capté dans la vidéo « The Dancer » toute l’énergie et la contemporanéité de cette icône. Pour compléter notre sujet : mariée une demi douzaine de fois, Joséphine Baker n’a jamais été mère biologique mais elle a adopté de nombreux enfants d’origines différentes, non seulement pour satisfaire son besoin de maternité, mais également pour témoigner de sa lutte contre le racisme.
« Jane », l’une des dernières sculptures de Françoise Pétrovitch, semble par sa référence exotique proposer un pendant statique à la vidéo de Joséphine Baker.
Faite d’un mélange inattendu de bronze, béton et plantes, ce sujet féminin évoque une sculpture classique non sans contraste avec ses traits primitifs.
Maria Isabel Rueda, artiste colombienne, nous entraine dans les dérives poétiques et fantasmées de son dessin animé, s’inspirant de l’atmosphère de certains lms d’horreur mêlée à un environnement tropical où les poncifs du sauvage et du « civilisé » se côtoient.
Dans un répertoire tout aussi onirique, depuis les années 60, l’artiste hollandais Pat Andrea a construit son œuvre sur les images démembrées des femmes, une « (dé) construction » qu’il poursuit de manière obsessionnelle au l de ses tableaux, de ses dessins, dans un univers fantasmagorique où les héroïnes n’ont de cesse de s’animer pour des raisons mystérieuses.
Pilar Albarracín à travers ses vidéos (« Tortilla a la Española » et « Furor Latino ») et ses photographies rassemble pour nir de nombreux mots clés de cette exposition : Beauté, Cliché, Désir, Fantasme, Féminité, Humour, Maternité, Pornographie, Sensualité, Stéréotype, Violence ...
Dans une époque où le statut de la femme demeure sujet à des débats violents et nécessaires, l’exposition la « Maman » et la « Putain » propose de libérer ces deux mots de leur carcan et de les accompagner de la force des œuvres et des images proposées.