C’est durant les années 70, en plein cœur des « trentes glorieuses » que le fameux guide culinaire Gault & Millau a créé les dix commandements de la nouvelle cuisine : sauce allégée, l’utilisation de produits frais, cuisson légère des viandes, etc... C’est à cette même période que ce guide met en avant des chefs comme par exemple un certain Paul Bocuse ou les frères Troisgros. Avant l’apparition de ces livres critiques, les chefs cuisiniers étaient peu connus du grand public, au fourneau, souvent au sous-sol avec leurs brigades alors que les propriétaires du restaurant obtenaient toutes les louanges.
Or, ils ont su utiliser les critiques et sortir de l’obscurité pour devenir des vraies stars et personnages publics. Au-delà des nouvelles recettes ainsi que les nouvelles cartes, la nouvelle cuisine donne naissance à des établissements qui portent désormais les noms des chefs qui en sont les propriétaires. Nous passons alors de la cuisine de grand restaurant à la cuisine d’auteurs.
L’an 2000 marque à son tour le point de départ de la nouvelle pâtisserie en nommant l’artisan-Chef à l’origine du gâteau. En effet, les pâtissiers des palaces et des grands hôtels produisent les entremets et gâteaux atypiques étant donné qu’ils ont carte blanche de la part du chef exécutif. Ils ne cessent de réinterpréter les classiques et de créer de nouvelles saveurs car la compétition entre palaces est très rude et il faut toujours avoir une longueur d’avance.
Ces pâtissiers ont eu l’intelligence de casser les codes stricts de la pâtisserie comme les cuisiniers ont su casser les anciennes habitudes de la cuisine Française.
Certains d’entre eux ont aussi le souhait de s’émanciper en sortant du cadre doré qui absorbe leurs talents pour se faire connaître comme individus à travers des livres de recettes, de leurs propres boutiques et à grands efforts de média en parallèle avec le boum d’internet.
Nous passons à nouveau de la grande pâtisserie de palace à la pâtisserie d’auteurs. Les pâtissiers comme Christophe Michalak du palace Plaza Athénée ou bien Carl Marletti du Grand Hôtel Continental se libèrent de leurs cages d’or respectives et s’émancipent professionnellement en tant qu’individus. Leurs noms est un produit marketing, c’est à dire une vrai marque. Chaque année se dévoilent des pâtissiers qui renoncent à leurs fiches de paie au sein de grandes pâtisseries et palaces pour se lancer à l’aventure de l’entreprenariat avec leurs noms comme enseigne de magasin.
Ceux qui restent dans le circuit des grands établissements sont malgré tout des stars annoncées par la critique comme « les grands pâtissiers de demain ». Ils se font arracher d’une maison à une autre tel un mercato de joueurs de football.
La révolution des boulangers a aussi commencé : nous sommes en train de rentrer dans la nouvelle boulangerie. Comme pour la cuisine et la pâtisserie, la nouvelle boulangerie est née à Paris. Il a pour bon commun le besoin de nommer l’artisan derrière le fourneau afin de savoir qui est l’auteur du pain ou de la viennoiserie. En effet, nous vivons une époque dans laquelle non seulement nous désirons savoir l’origine des ingrédients que nous mangeons mais aussi qui l’utilise pour nous faire à manger.
La nouvelle boulangerie provient des mêmes raisons que la nouvelle cuisine et la nouvelle pâtisserie. Tout d’abord, de nombreux artisans boulangers sortent de l’anonymat en cassant le code du vieux boulanger. N’évoluant plus seul dans une cave parisienne durant sa nuit de travail, il se met à jour devant la clientèle. Par exemple, en 1998 l’artisan et entrepreneur Michel Galloyer, pionner de la nouvelle boulangerie, décide de mettre en vue du client le four ainsi que le boulanger qui s’occupe de l’enfournement dans sa boulangerie de l’avenue d’Italie à Paris XIIIe. Puis arriveront les concepts parisiens de boulangerie où le client peut voir derrière une vitre les artisans travailler. Ce phénomène existe aujourd’hui à travers le monde entier.
De plus, les boulangeries proposent sur une gamme moins large de produits qu’auparavant pour augmenter la qualité des produits mais aussi d’avoir du temps pour créer ou ré interpréter les classiques de la boulangerie. Aujourd’hui, la boulangerie B&O dans le XIIe arrondissement de Paris ou la boulangerie Farine&O du meilleur ouvrier de France Olivier Magne en sont des bons exemples. Autres exemples de la nouvelle boulangerie, Rodolphe Landemaine est un jeune artisan-entrepreneur qui possède déjà plus de six boulangeries portant son nom comme nom d’enseigne.
La nouvelle boulangerie est donc une boulangerie d’auteur où l’artisan se met en danger en portant son nom comme marque garantissant la qualité. Certains boulangers comme Eric Kayser ou Francis Holder (fondateur du groupe Paul) porte la nouvelle boulangerie à l’international à l’aide de Master Franchise et amplifie à travers le monde la boulangerie artisanale à la Française. Ces derniers ont su apporter une idée simple mais primordiale à la nouvelle boulangerie : Transformer un point de vente en un point de vie social. En effet, il a proposé des espaces de consommation afin que le client puisse déguster sur place. La boulangerie est devenue un lieu de rencontre où l’on se donne rendez-vous.
Enfin, la nouvelle boulangerie a pour particularité d’attirer des nouveaux artisans en reconversion dans le métier et ayant auparavant une expérience littéralement différente que l’artisanat. Ces derniers ont une nouvelle vision du métier, plus moderne et créative. Ils gardent comme base les classiques de la boulangerie Française, mais comme les pâtissiers et cuisiniers, ils prennent plaisir à les revisiter afin d’apporter de la nouveauté aux clients sans les brusquer.
Au sien de l’hôtel Design Josef à Prague, j’ai participé à la création d’un projet qui a même relayer la cuisine et la pâtisserie derrière le pain avec la naissance d’une boulangerie à l’intérieur de l’hôtel d’une part mais où le façonnage et la cuisson se fait chaque matin devant les clients durant leurs petit déjeuners. Pendant plus d’un an, chaque matin, j’ai eu le plaisir de partager le petit déjeuner de centaines de visiteurs et discuter et échanger avec eux sur le métier de boulanger ainsi que ma production. J’ai pu avoir carte blanche de la part de la direction pour créer, réinventer et casser les codes pour finalement proposer chaque matin des nouveaux pains et viennoiseries atypiques.
La nouvelle boulangerie est donc une boulangerie très parisienne ou l’artisan devient un Chef car il géré son équipe comme sa brigade. La nouvelle boulangerie apporte aux métiers des nouvelles créations, recette et se permet de revisiter les classiques sans gènes. Les boulangers deviennent des entrepreneurs, ils se montrent à la vue du jour et côtoient ceux des cuisiniers et pâtissiers stars. Ils ont aussi à leur tour leurs émissions télévisées où des candidats participent à des compétitions de boulangeries. Enfin, la nouvelle boulangerie Française envahit et influence fortement la boulangerie de ce monde globalisé avec l’expansion des boulangeries Françaises à l’étranger.
En pleine ébullition et développement, la nouvelle boulangerie conclut un cycle Français dans laquelle la cuisine, la pâtisserie, la chocolaterie, et la boulangerie se sont renouvelées à travers un axe commun : La recherche permanente de l’excellence à travers des artisans dévoués qui caractérisent la gastronomie Française dans toutes ses généralités.