La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de proposer une carte blanche au jeune artiste français Corentin Canesson, dans l’Espace II de la galerie de la rue du Cloître Saint-Merri. Cette exposition s’inscrit dans une démarche entreprise dès 2011, permettant régulièrement à des artistes émergents de bénéficier d’un projet en galerie dans cette vitrine attenante à l’espace principal.
À la fois peintre, commissaire d’exposition et guitariste du groupe The Night He Came Home, Corentin Canesson a étudié à l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne ainsi qu’à la HGB de Leipzig. Cette exposition intervient moins d’un an après celle que lui a consacrée le Crédac sur invitation de Claire Le Restif, une proposition remarquée qui présentait un ensemble de quinze toiles sur une bande-son créée par son groupe et nourrie de ses amitiés (notamment avec François Lancien Guilberteau et Damien Le Dévedec). La Galerie Nathalie Obadia a découvert le travail de Corentin Canesson lors de l’exposition collective Peindre comme je bouge organisée par les Abattoirs de Toulouse en juin 2017, dans laquelle l’artiste présentait une série de vinyles peints, récemment acquis par le Musée.
À travers une pratique de la peinture au croisement de plusieurs influences artistiques, parmi lesquelles l’abstraction lumineuse, évocatrice et colorée de Joan Mitchell, l’univers figuratif inspiré des comics de Philip Guston, le travail sur la matière d’Eugène Leroy ou encore les compositions découpées de Bram Van Velde, Corentin Canesson développe depuis plusieurs années une oeuvre tantot figurative, tantot abstraite, guidée par le plaisir de l’acte pictural qui n’est pas incompatible avec la rigueur protocolaire et sérielle à laquelle il se tient.
Présentant trois séries d’oeuvres récentes, l’exposition BOTTOM mêle des références à la musique et à la littérature, disciplines qui innervent l’ensemble du travail de l’artiste, repenant le titre de l’album culte de Robert Wyatt, «Rock Bottom», et un poème des Illuminations de Rimbaud, «Bottom», qui s’ouvre sur la vision d’un oiseau.
«La réalité étant trop épineuse pour mon grand caractère, - je me trouvai néanmoins chez ma dame, en gros oiseau gris bleu s’essorant vers les moulures du plafond et traînant l’aile dans les ombres de la soirée.» La phrase liminaire du poème de Rimbaud résonne avec une série de tableaux d’oiseaux que Corentin Canesson a initiée en 2014, alors que, privé d’atelier et de perspective d’exposition, il décide de réaliser chaque mois un portrait d’oiseau d’un mètre par un mètre, dans l’espace restreint de son salon. Cohabitant avec ces créatures mi-sauvages mi-domestiques, qui deviennent autant de miroirs, l’artiste s’intéresse à l’efficacité visuelle de ce motif dont la dimension anthropomorphe suscite une empathie immédiate. Comme dans les planches lithographiques de l’ornithologue américain Jean- Jacques Audubon, les oiseaux de Corentin Canesson se trouvent contraints par le cadre de la toile et se contorsionnent, se faisant métaphore d’un certain engoncement de la peinture contemporaine. Ils sont aussi le lieu d’une exploration ludique de gestes de peinture (occupation circulaire de la toile, travail en matière sur les ailes, les plumes...). Six tableaux récents de cette série seront présentés à la Galerie.
La deuxième série exposée, plus abstraite, inscrit le travail de Corentin Canesson dans une forme d’expressionnisme historique où le geste pictural prime, laissant de larges surfaces vides ou au contraire saturant le tableau de lignes irrégulières, de petites touches accumulées ou de plus larges aplats dont la juxtaposition crée des vibrations de couleurs particulières. L’exposition présente également plusieurs tableaux de petit format, compositions érotiques et petites scènes badines où le sujet tend à se fondre dans l’accumulation de la matière picturale.
Présent dans quasiment chacune de ses séries, le texte a une place centrale dans l’oeuvre de Corentin Canesson et convoque des univers aussi variés que le cinéma (l’artiste cite Jean-Luc Godard), la publicité, la culture pop-rock, à travers des groupes comme Sparklehorse ou l’esprit des pochettes d’albums, les bandes dessinées... Quand elles n’accompagnent pas un motif précis, ces écritures fantaisistes sont aussi parfois le lieu d’un déploiement de lignes et de couleurs qui viennent remplir la surface de la toile.
À l’occasion de l’exposition, Corentin Canesson a puisé dans les archives de la galerie pour repeindre 500 cartons d’invitation qui ont été envoyés pour le vernissage et a conçu une affiche collée en une centaine d’exemplaires sur les murs de Paris. Cette appropriation artistique des objets entourant l’exposition, dans une démarche virale de prolifération créative est récurrente chez l’artiste : les différents multiples qu’il crée autour de chacun de ses projets font office de libre anticipation ou de prolongement polymorphe de son travail pictural.
Chaque nouveau projet sert également de prétexte à des rencontres intellectuelles et littéraires : l’exposition à la galerie sera ainsi l’occasion d’un échange épistolaire inédit entre l’artiste et le jeune auteur Victor Pouchet (Pourquoi les oiseaux meurent publié en septembre 2017 aux éditions Finitudes), entretien qui sera diffusé au moment de l’exposition.